Partir pour un long voyage de plusieurs mois ou plusieurs années, cela marque une vie. Notre année sabbatique en cours n’est pas notre premier grand voyage, et pourtant beaucoup de personnes, proches et lecteurs, nous interrogent sur les vertus « psy » ou personnelles de ce genre de démarche.
Qu’est-ce que ce long voyage peut t’apporter ?
Une question pour laquelle 1001 réponses me viennent en tête…
Des réponses toutes faites à la grande réflexion
Tant de fois déjà cette question m’a été posée : « qu’est-ce que ces longs voyages t’ont apporté ? »
Pour certains de mes interlocuteurs, je perçois une réelle curiosité, pleine d’ouverture et de volonté d’échange. Pour d’autres, une pointe de jalousie avec des sous-entendus…
Est-ce vraiment utile de partir si longtemps ?
Et de partir plusieurs fois pour de longs voyages ?
Qu’est-ce que ton voyage a de plus que le mien ?
Comparer pour comprendre. Une approche typiquement humaine, centrée sur soi et son expérience… pour le bon comme le mauvais.
Des réponses à cette grande question de « l’apport » d’un voyage, il y en a plein. Mais ce sont souvent des réponses toutes faites. Et le souci avec les formules toutes faites, c’est qu’elles sonnent creux.
Le problème des clichés n’est pas qu’ils contiennent de fausses idées, mais plutôt que ce sont des formulations superficielles de très bonnes idées. (Alain de Botton)
Sans réfléchir, je vais spontanément énoncer des clichés qui sûrement correspondent en partie à ma réalité… mais qui n’en restent pas moins des clichés. Ces réponses aisées m’auront fait l’économie d’une réflexion plus profonde pour une réponse plus personnelle.
Confiance en soi, adaptabilité, apprentissage d’une langue, maturité, sociabilité, audace, capacité d’improvisation, humilité… tous des bienfaits « évidents » du voyage.
Mais si on y regardait de plus près, quelle réponse pourrais-je trouver à ces personnes en quête de sens et de rationalisation du voyage ?
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De l’utilité du voyage
Parfois, une nuance cachée dans la formulation de ces questions autour de l’apport des voyages me dérange : celle de l’utilité.
Le voyage doit être utile. Avoir un but. Servir à quelque chose.
Pour certains, cette notion rejoint la volonté de s’investir dans un projet local et faire du bénévolat. Une très belle façon d’aller à la rencontre d’un autre pays, d’une autre culture et autre façon de vivre.
Mais dans certains cas, cette logique de l’utilité est, à mon goût, poussée trop loin. Qu’y a-t-il derrière ?
La peur du trou dans le CV ? La crainte de la spontanéité et du manque de sécurité ?Un des grands malheurs de la vie moderne, c’est le manque d’imprévu, l’absence d’aventures.
(Théophile Gautier)Tout doit-il toujours avoir un sens, un but et une utilité ? Cette manière de réfléchir est à mon sens un des plus grands maux de l’adulte occidental. Nous avons perdu l’un des pouvoirs de l’enfance : celui d’agir juste pour le plaisir. Sans autre raison que celle du cœur et de l’imagination. Jouer, perdre son temps, se réaliser dans ses passions, observer le monde avec une innocente gourmandise.
Ce qui m’attriste plus que tout dans cette logique de l’utilité, c’est que bien souvent, le plaisir, l’épanouissement personnel et la quête de bonheur ne semblent pas être des arguments valables pour justifier ses choix, comme celui de voyager…
Ils ne veulent pas construire leur bonheur, ils veulent seulement réduire leur malheur.
(Bernard Weber) -
Voyager pour changer
Est-ce que ce voyage t’a changé ?
Encore une question que l’on m’a souvent posée. Et, à la grande déception de mes interlocuteurs, ma réponse est toujours : non ! Peut-on d’ailleurs réellement drastiquement changer de personnalité ?
Je pense surtout que l’on se révèle à soi-même et on apprend à vivre en paix avec soi-même. Un pan du voile qui se lève chaque fois un peu plus sur qui l’on est, ce que l’on veut être et la force qui nous habite pour passer du premier état au second.
Finalement, on ne change pas qui l’on est. On change notre façon de nous montrer aux autres.
Mais si le voyage ne nous change pas, il nous fait évoluer, et souvent par des chemins imprévus et étonnants… qui sont sans doute le seul véritable moyen pour grandir.
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La liberté de choisir ses contraintes
Si je ne devais retenir qu’un seul apprentissage, qu’un seul grand changement que le voyage au long cours m’apporte, à côté de tous ses bienfaits évidents énoncés plus haut, ce serait celui-ci : me libérer de mes contraintes.
Les longs voyages ont ce pouvoir fascinant de changer le rapport au temps. Et le temps est sûrement la plus grande contrainte que nous connaissons dans nos sociétés occidentales.
L’horizon semble reculer, la perspective s’agrandir. Rien devant soi. Pas d’horaire. Pas d’impératif. Pas d’obligation. Rien. Nada. Nothing.
Si ce n’est celles que l’on accepte de se mettre.Je me lève en pleine nuit pour observer les étoiles ou le lever du soleil parce que je l’ai décidé.
Personne d’autre pour me contraindre que moi-même. Quelle incroyable liberté que d’être le seul à la limiter !
Cette première ivresse laisse place à une réflexion plus profonde. Quelles contraintes suis-je d’accord de m’imposer ? Et de quelles contraintes étais-je l’esclave dans ma vie sédentaire ?
De quoi faire le point sur son libre arbitre et la vision de sa liberté personnelle. Pourquoi est-ce que je me lève le matin ? Pourquoi est-ce que j’accepte les ordres/injonctions/demande d’autres personnes ?
Très vite, la question de la limite de sa liberté vient questionner celle de son rapport aux autres… et de sa capacité à se respecter tout en respectant l’autre et les règles du jeu. Mettre ses limites. Répondre à ses besoins. Relativiser l’urgence. Accepter de ne pas plaire à tous. Relativiser l’importance de l’approbation et du besoin de reconnaissance.
Finalement, en voyage comme dans la vie sédentaire, les seules contraintes que nous vivons sont celles que nous acceptons… consciemment ou pas. Une petite pensée qui change tout.
Une fois cette vérité acceptée, c’est tout son choix de vie et sa manière d’accepter son quotidien qui sont vus sous un autre angle.
« La liberté n’est pas l’absence d’engagement, mais la capacité de choisir. »
(Paulo Coelho)
Le voyage au long cours, une école de vie
Le voyage au long cours a sa propre dynamique, bien différente de l’urgence d’un citytrip ou de l’horizon limité d’un voyage planifié. Plus que tout, j’aime le sentiment de liberté qu’il me procure.
Cette année sabbatique n’est pas encore finie que nous réfléchissons déjà à nos futurs voyages au long cours. Voyager devient une douce drogue dont il est difficile de se passer. L’on se sent tellement vivant, tellement entier… Tellement soi. Sans doute le plus beau cadeau du voyage.
Le monde est un livre, et ceux qui ne voyagent pas n’en lisent qu’une page.
(Saint Augustin)
Et vous, avez-vous déjà vécu un voyage au long cours ? Que répondez-vous aux questions sur ce que vous apportent ces longs voyages ?
« Le plaisir, l’épanouissement personnel et la quête de bonheur ne semblent pas être des arguments valables pour justifier ses choix » Cette phrase m’a beaucoup marqué. Il faudrait effectivement voyager pour des raisons professionnels, d’apprentissage ou autres …
Elle me parle d’autant plus que je suis en train de remettre pas mal de choses en question actuellement, merci de m’apporter une dose de réflexion supplémentaire.
Mais contrairement à toi, je ne pourrai pas être aussi catégorique sur le fait que le voyage ne me change pas. J’ai tellement l’impression que si, mais est-ce le voyage qui me change vraiment ? J’évoluais déjà bien avant de partir. Peut-être, avons nous simplement une façon différente de définir nos changements.
Au delà de tant de réponses évidentes, Je réalise qu’actuellement ce que le voyage m’apporte, c’est une totale remise en question de ma manière de penser. Mon regard s’élargit et même si je ne suis pas encore tout à fait à l’aise avec tout ça, je sais que j’en ressortirai encore plus forte.
Merci en tout cas pour ton article et ce texte personnelle qui me fait écho.
Merci Aline pour ton message et ton partage de vécu.
Je pense que finalement, nous n’avons pas des points de vue si différents. Tout est question d’interprétation : est-ce que le voyage change profondément qui je suis ou est-ce qu’il me permet d’exprimer la personne que je souhaite être et qui, finalement, se trouve déjà en moi ?
Personnellement, après le premier long voyage, je me sentais comme « libérée » d’une certaine pression sociale qui me demandait de respecter l’image ou les représentations que l’on avait de moi. Je me suis sentie changée… Pour comprendre finalement que je me rapprochais de moi-même, de celle que je pouvais être si je m’en donnais l’opportunité et la chance.
C’est aussi le débat de « peut-on réellement changer » drastiquement. Est-ce possible d’avoir, genre, plusieurs personnalités qui vont apparaitre totalement et s’exprimer à différents moments de notre vie… Ou ces « différentes personnalités » sont-elles à état latent, en nous, à attendre de pouvoir être révélées aux autres (et à nous-mêmes bien souvent) ?
À mes yeux également, le voyage est un processus dont il est difficile de mettre un point de départ clair : est-ce qu’il commence le jour du départ, à l’aéroport (ou la gare/la voiture…) ? Ou commence-t-il quand on prend la décision de partir ? Ou encore avant, quand cette décision commence à germer et que l’on n’en est pas encore totalement conscient ? Sans doute un peu de tout cela…
Merci pour cet échange intéressant ^^ Bonne continuation dans ton voyage et dans tes réflexions, et au plaisir d’échanger encore ! 🙂
« Qu’est-ce que ton voyage a de plus que le mien ? »
Huuuh… quand t’entends ça, tu veux repartir LOIN 🙂 (mais poulette, reviens, on a une wish-list qui ne cesse de s’étoffer °°).
On est bien d’accord 😉
Cela nous fait plaisir d’avoir une « wish-list » qui s’agrandit pour notre retour 😉 Tu devras juste tenir quelques semaines avant ton départ pour le Canada et/ou l’Alaska 😉
Merci Amandine! Je viens tout juste de débuter mon propre voyage au long cours, c’était mon rêve d’enfant, mais là je suis un peu perdue, toute seule à Saint-Pétersburg, me demandant plusieurs fois « mais qu’est ce que je fais là? mais quelle idée! », et grâce à toi, ça y est, je me souvient maintenant pourquoi elle m’est venue cette idée, et pourquoi je vais continuer! Merci beaucoup! 🙂
Spasiba!
Merci Julia pour ton message, très touchée de savoir que cet article arrive à un bon moment pour toi et qu’il t’a aidé.
Garder le cap (de son voyage et de ses motivations), ce n’est pas toujours évident. Les remises en question sont naturelles et ne sont pas à craindre… les réponses et solutions arrivent tôt ou tard. Pouvoir se reconnecter avec ses rêves et l’enthousiasme qui nous ont fait décider de lever l’ancre nous permet de nous « regonfler à bloc » dans les moments de doute…
Je te souhaite une magnifique expérience et un beau voyage ! J’ai toujours voulu voir Saint-Pétersburg… Un jour ! 🙂
Très bel article !
Voyager ça change tout !
J’aimerais tellement pouvoir vivre ça.
Je te le souhaite Laura 🙂
Je suis plutôt en phase avec ce que tu énumères, en plus tu cites un de mes écrivains préféré ! (B. Werber)
J’ai tout récemment fini l’un de ses livres, « L’empire des anges », d’où j’ai retiré cette phrase qui m’avait touchée : « Ils ne veulent pas construire leur bonheur, ils veulent seulement réduire leur malheur ».
J’ai trouvé ça tellement juste, tellement vrai : beaucoup (et moi y compris aussi par moment), pensent davantage à « limiter la casse » et s’assurer une certaine sécurité de vie, éviter les accidents, les malheurs… plutôt que de chercher à trouver une voie pour se réaliser et être heureux. A méditer ! 😉