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Un sac sur le dos Un sac sur le dos
Amandine

Voyager est un processus. Un long et lent processus. Le nez dedans, le voyageur sent bien qu’il expérimente, évolue, teste… Mais ce n’est qu’à son retour qu’il peut vraiment prendre l’ampleur du changement vécu, souriant à sa naïveté de ses débuts, comme un adulte sourit de ses préoccupations d’enfant. Après un premier tour du monde ou voyage au long cours, le voyageur peut penser que maintenant, « il sait » : il sait ce que lui apporte le voyage, il sait qui il est et ce qu’il attend de sa vie… Et pourtant, tu ne sais rien, voyageur. Tu ne sais rien ou si peu, tant que tu n’es pas parti pour un second voyage…

Pourquoi partir pour un deuxième voyage ?

Au premier voyage on découvre, au second on s’enrichit.

Ce proverbe touareg résume toute ma pensée. Mon premier voyage, comme un premier amour, m’a permis de m’ouvrir à une nouvelle dimension, de tester, d’affiner mes gouts et ma personnalité.
Mais ce premier voyage n’est que la classe préparatoire, l’introduction. Car les cours ne commencent réellement qu’au second voyage. L’on possède certains repères, certaines habitudes. On ne tombe plus dans les mêmes travers, on ne répète plus certaines erreurs…

Si mon sac au premier grand voyage pesait 10 à 12 kilos, celui du second voyage n’en pensait déjà plus que 8. Et à chaque voyage, la liste de l’essentiel diminue et celle du superflu se gonfle de tous ces gadgets de la catégorie des « au cas où ».

Mais ce n’est pas de ces conseils pratiques pour être un « voyageur idéal » ou voyager léger dont je veux vous parler. Car ce n’est pas que physiquement qu’un second voyage est différent. Loin de là…

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Nos sacs sur le dos lors de notre premier voyage au long cours (Galapagos)

Le second voyage ou la libération

Si le premier voyage est celui des essais et erreurs, le second est celui où l’on apprend différemment.

Imaginez-vous recevoir entre vos mains une tasse de thé brulante. Vous allez, la première fois, la prendre à pleine paume, puis la reposer, la reprendre du bout des doigts… Tâtonner et expérimenter jusqu’à trouver le bon moment et la bonne façon de la prendre en main. Ce tâtonnement, c’est votre premier voyage. Imaginez recevoir une seconde tasse, avec cette expérience derrière vous : vous pourrez dépasser vos premiers questionnements (quand et comment prendre la tasse) pour vous concentrer sur d’autres points : l’aspect de la tasse, le parfum que dégage le thé, les volutes de fumées qui s’échappent lorsque vous soufflez, le gout que vous imaginez qu’il a, l’ambiance qu’il y a tout autour de vous… Vous allez pouvoir vivre cette seconde expérience avec une attention beaucoup plus ouverte, tant au monde qu’à vos sens et ressentis.

Il en va de même pour un second voyage. Le voyageur récidiviste pourra se libérer de toute cette dimension praticopratique pour se concentrer sur d’autres apprentissages, plus ouvert au monde et plus ouvert à lui-même.

Le second voyage amène un recul évident. Lors du premier voyage, on aspire naïvement à devenir un « bon » voyageur, à se différencier de la masse des touristes, à réussir à trouver le meilleur hôtel (à comprendre souvent le moins cher) et à montrer qu’on est capable de sortir des sentiers battus… Il y a une dimension de recherche de bon, voire de « meilleur », et donc d’approbation voire de compétition, à travers le regard des autres, le vocabulaire utilisé, les critères personnels à atteindre… 
Le second voyage permet de se détacher de tout cela : des normes et des étiquettes, du regard des autres, de la pression sociale, mais aussi (et surtout) de la pression que l’on se met soi-même. Lors de mon second voyage au long cours, je savais qu’il était normal de se tromper… et, tout à la fois, qu’il y a rarement une seule bonne façon de faire les choses, et donc peu de réels échecs.

Le second voyage, s’il peut débuter sur le même air que le premier (par exemple en partant dans la même région du monde – ce que nous avons fait, l’Amérique latine ayant depuis toujours conquis nos cœurs -), se jouera vite sur une tout autre mélodie. On connait la chanson, alors on ne cherche plus à répéter les mêmes paroles, on se laisse des libertés. On n’a plus rien à prouver : on sait qu’on sait voyager. Alors on arrête de prétendre savoir et on cherche avant tout à s’ouvrir et à (se) dé-couvrir.

« Dé-couvrir » : enlever les couches superficielles que nous portons, qui nous habillent, nous définissent, forgent notre regard sur le monde et conditionnent nos pensées avec des jugements inculqués par notre culture. Mettre notre tête et notre cœur dans un état d’accueil bienveillant, dépouillés de leurs savoirs, de leurs convictions, de leurs blessures, de leurs attentes.

Dé-couvrir. Se mettre à nu et aller à la rencontre du Monde et de l’Autre sur un pied d’égalité.
Dé-couvrir et se libérer.

Second voyage et développement personnel

Qu’est-ce qu’un voyage peut bien t’apporter… encore ?

Regard perplexe, pointe de curiosité ou d’agacement dans la voix. Une question que l’on m’a beaucoup posée au départ et au retour de notre second grand voyage. Pourtant cette année sabbatique m’a apporté encore toute autre chose que notre premier voyage au long cours

Lors de notre second voyage, j’ai vu François grandir et gagner en maturité comme je l’ai rarement remarqué sur un temps aussi court. Un des grands plaisirs de voyager en couple à répétition : vivre des moments intenses et d’autres d’une douce banalité, observer le comportement et la pensée s’affiner, le regard s’adoucir et le geste se détendre. On est bien ensemble, où que l’on soit. On est bien dans le monde…

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Voyager en couple autour du monde

Et est-ce que moi, j’ai changé ? Sans doute aussi. C’est toujours plus compliqué à objectiver pour soi-même. Étrangement, alors que mon premier grand voyage s’est déroulé quelques mois à peine après le décès de mon père, c’est à ce second grand voyage, 5 ans plus tard, que j’ai l’impression d’avoir pu finir mon deuil. Merci à vous, vastes routes de Patagonie

Lors de ce second long voyage, j’ai surtout pris de la distance face aux affirmations battues et rabâchées si souvent : je m’espère moins « sectaire » dans ma vision du monde… et du voyage. Je suis une voyageuse et une touriste… et nous le sommes tous ! Voyageur est sans doute un titre plus prestigieux aux yeux de beaucoup. Ce terme « voyageur » pourrait presque être vu comme une religion. Peut-être une nouvelle philosophie… Je crois profondément aux valeurs du Voyageur (j’en parle ici et ici) : c’est un beau cap à tenir pour garder le nord et continuer à devenir un meilleur soi, un meilleur citoyen du monde.

Il n’est jamais trop tard pour devenir ce que nous aurions pu être. (Mary Ann Evans, alias George Eliot)

Avec ce second voyage au long cours, j’ai aussi arrêté de chercher à faire « le mieux ». Mon sac n’est plus aussi réfléchi, tout comme ma trajectoire. Ma recherche d’un toit pour la nuit ne passe plus par des comparaisons à n’en plus finir pour être sure d’avoir fait « le meilleur choix ».

Mieux, plus, meilleur… Par rapport à qui et à quoi ?
Des notions de compétitivité qui sont rarement porteuses pour se sentir bien avec soi, bien dans le monde.

Voyager, un peu, beaucoup, passionnément…

Voyager, j’en suis de plus en plus convaincue, apporte tellement sur le plan personnel et humain. En voyageant, nous nous ouvrons au monde et donnons la possibilité au monde extérieur de s’ouvrir également à notre rencontre. En discutant du bonheur au fin fond des Andes, en parlant de la liberté et des droits de la femme au bord de la mer des Caraïbes, en répondant aux questions de « pourquoi vous venez dans mon pays alors que vous avez tout chez vous » au Sri Lanka

Voyager permet de dépasser les frontières physiques, mais aussi, et surtout, celles que nous construisons culturellement et mentalement. Je crois au voyage humaniste. J’aime penser que plus nous voyageons, plus nous ouvrons le monde et renforçons les liens fraternels entre nos pays, devenant tous citoyens du monde.

Voyage et développement personnel font la paire : c’est mon dada ! En tant que psychologue et coach de vie, j’aime accompagner des voyageurs à se lancer dans leurs projets de découverte du monde. Nous avons tous en nous cette impulsion, cette étincelle qui nous permettent d’oser, de partir et de revenir… et de repartir.

Je suis heureuse de voir notre société occidentale évoluer dans sa conception du voyage, particulièrement pour les jeunes : ils sont de plus en plus encouragés (lors de leurs études ou après) à partir se frotter au vaste monde. J’aimerais à présent que ce grand voyage ne soit pas vu comme l’unique opportunité de partir voyager au long cours. La vie n’est pas une liste de course : « Etudes, check ! Tour du monde : check ! Maintenant, place aux choses sérieuses : CDI, voiture, mariage, bébé… »

Partir est un choix… tout comme rester l’est également. Donnez-vous la latitude de remettre les choses en perspective, surtout si vous pensez que vous n’avez pas le droit/le choix/la chance… de pouvoir repartir voyager. Quels sont vos freins ? Carrière ? Santé ? Couple ? Enfants ? Et si vous découvriez que d’autres, avec des freins similaires, ont pris le large et sont partis et repartis en voyage ?

Le monde est vaste et plein de voyageurs récidivistes : offrez-vous le luxe de choisir si vous voulez en faire partie !

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Pourquoi partir pour un second voyage au long cours
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26 réponses à “Pourquoi vous devriez partir pour un second voyage”

  1. Ah ! La métaphore de la tasse de thé brûlante… Tu ne pouvais pas mieux parler que ça à l’amatrice de thé que je suis ^^

    On pourrait aussi comparer le second voyage à la seconde lecture d’un livre. Tu sais, l’un de ces livres qu’on referme avec un « déjà ? » suspendu aux lèvres, et qu’il nous tarde de relire à nouveau.

    L’un de ces livres qu’on reprend avec autant d’envie que la première fois pour se dire « Et cette fois-ci, qu’est-ce que je vais voir différemment / qu’est ce que je vais voir que je n’avais pas vu à ma première lecture ? »

    Quel bonheur d’être un « voyageur récidiviste ». L’œil qu’on ouvre sur le premier voyage est celui du nouveau-né qui découvre, émerveillé mais aussi un peu perdu, le flot d’informations qui déferlent sans cesse sur lui.

    Le second regard est tout autre. Il n’examine plus : il contemple. Il n’attend plus : il accueille. Il ne se voile plus : il éclaire.

    Il dé-couvre, comme tu l’écris si joliment. Oh oui, il dé-couvre si bien.

    La compétitivité n’a plus lieu d’être sous les routes qui se déroulent sous nos pas, intemporelles.

    Dans le regard du voyageur l’on peut simplement lire à quel point lui est nous, et que rien ne nous différencie.

    Merci Amandine pour ce superbe article qui, comme d’habitude, a fait danser ma lecture.

    • Merci beaucoup Annajo pour ton beau commentaire (et pour le partage de l’article ^^).

      Notre second voyage au long cours m’a fait (et nous a fait) beaucoup de bien, prendre une distance encore différente avec nos habitudes, notre fonctionnement, nos valeurs, nos idées reçues… nous !

      Cela fait des mois (et plus encore) que cet article est en cours d’écriture… Je me souviens encore d’en parler avec une voyageuse sur les plages de Cozumel au Mexique alors que l’article était déjà en cours d’écriture, ça me parait si loin (2 ans déjà !). Je suis heureuse d’avoir pris le temps de terminer l’ébauche de mes réflexions de l’époque, enrichies par mes pensées d’aujourd’hui.

  2. Bonjour Amandine, ton article est très profond et amène à s’interroger sur nous même. Merci d’avoir partager tes réflexions. Je suis d’accord avec toi sur la philosophie des voyages au long court. Ce ne doit pas être juste une mode. C’est un voyage vers soi-même également. Je ne me suis pas encore lancé dans cette aventure que je veux vivre avec ma moitié. Le temps que nos envies trouvent une ligne commune 🙂

    • Merci Tatiana pour ton message, ravie de lire que l’article parle à d’autres voyageurs 😉
      Se lancer dans un premier grand voyage, puis dans un second, cela ne va pas toujours de soi : cela peut être un processus, nécessité une réflexion, des choix intermédiaires… et quand c’est en couple, cela rajoute encore du piment à tout cela ! Trouver une ligne commune, c’est très joliment dit et c’est tout ce que je vous souhaite 🙂

  3. Bonjour Amandine, je vous avez laissé un commentaire il y a quelques mois (l’article « l’arc-en-ciel des émotions, si je me souviens bien) car je préparais mon premier voyage au long cours avec mon ami, direction l’Asie du Sud-Est. Bon, il a duré 3 mois au lieu de 5 mois, mais j’ai sauté le pas! Et aujourd’hui, je rêve déjà d’un deuxième voyage au long cours! Parce qu’effectivement, j’ai le sentiment que pour un second voyage on se libère des à priori et des 3 000 000 questions qu’on peut se poser en tant que « Voyageur Débutant » ^^ et on le sait loin, ce deuxième voyage, mais il est là. Le projet de repartir bercera notre quotidien =) En tout, très bel article, comme d’habitude, mélangeant voyage et développement personnel, deux sujets que j’aime beaucoup.

    • Bonjour Nathalie, merci pour votre commentaire, ravie de vous relire ici 🙂

      Et ravie de lire que vous avez sauté le pas et êtes partie en Asie du Sud Est : génial ! Trois mois, c’est une belle temporalité pour vivre une expérience dépaysante et immersive 🙂

      Et comme je comprends cette envie de repartir ! Génial en tout cas que ce soit déjà dans vos esprits : un nouveau projet à mûrir pour se fixer de beaux objectifs dans le futur !

  4. Bonsoir Amandine,
    Encore un bel article… Je n’ai pas encore fait de voyage au long cours, même si j’ai réussi à voyager près de 2 mois/an cumulés, entre petites semaines et voyage plus long d’1 mois. « Au premier voyage on découvre, au second on s’enrichit. » Je ne connaissais pas ce proverbe touareg, mais j’adhère! Et j’ai maintenant de plus en plus d’endroits où revenir, Sénégal et désert du Sud Maroc notamment, pour le printemps prochain..!

    • Merci Amélie pour ton gentil message 🙂
      Moi aussi, quand j’ai découvert ce proverbe Touareg, cela m’a directement parlé !
      Génial tous tes projets de voyage ! Le désert du Maroc m’appelle aussi depuis plusieurs années… un jour ! 😉

  5. Bonjour Amandine et François,

    Parcouru et découvert  » Qu’Une Partie de vôtre publication » 🙂
    Pourquoi ???
    Parc que psychologiquement………..le texte est Vertigineux !
    Pour ne pas dire « Trop » !
    Du moins, pour Moi,
    Copier-coller de tout ce Que je ressens, hihi
    Je ne Vous oublie pas !
    Vous êtes bien en Moi

    Super, Heureux pour Vous….!
    De l’ardeur que Vous avez à partager 🙂
    La « preuve » …..ma fille, Marine Lemarchand, sans que le sache à partagé vôtre article !
    C’est « Un cadeau »………..Nous sommes contagieux dans le Bon Sens du terme.
    Nous revenons d’un bon périple en Thaïlande  » Sac à dos « ……….à trois,
    Pensons, qu’à repartir…..avec toujours un sac plus léger,
    En Nomade, ou presque…comme « Les Touaregs »
    Que j’Adore 🙂

    Voilà, voilou………………………..!
    Bonne journée,
    Bons chemins,
    Bonne Route

    • Merci beaucoup Gérard pour ce beau commentaire, comme toujours 🙂
      Amusant que ta fille ait partagé notre article : le monde est petit !
      Beaux voyages à vous…

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