Partir en voyage s’accompagne souvent d’attentes ambitieuses : passer les meilleures vacances de sa vie, vivre un séjour de rêve… bref, le voyage idéal !
Mais qu’est-ce qu’un voyage parfait ? Et est-ce possible ?
Je répondrai plus concrètement à la seconde question dans un prochain article, avec quelques conseils pour les voyageurs. Mais aujourd’hui c’est à la première interrogation que je m’attaque, afin de comprendre l’envers du décor du mythe du voyage parfait.
Le mythe du voyage parfait est très répandu et implique une conception du voyage qui peut être nuisible. Pourquoi ? Comment ? Je vous partage mes réflexions.
Voyage idéal et voyage parfait
Voyage idéal ou voyage parfait ? Quelle différence ?
Le voyage idéal concerne le style de voyage et la destination : plutôt plage paradisiaque et hôtel au soleil, camping sauvage dans la campagne, trekking en montagne… À chacun ses destinations de rêve !
Le voyage parfait serait plutôt le contexte du voyage, l’enrobage autour de la destination : la préparation, le déroulement, l’ambiance, le vécu… Un voyage parfait est un voyage « réussi ».
Qu’est-ce qu’un voyage parfait ?
La notion de perfection ou de réussite dans le voyage n’est pas aussi simple qu’il y parait. Au premier abord, un voyage réussi serait un voyage sans encombre, un voyage qui se déroule comme prévu : pas de valises perdues, pas de délai dans les vols… bref, pas de problèmes !
Mais l’absence de problème est-elle réellement synonyme de bon voyage ?
Pas si sûr : les petits pépins sur les routes créent aussi souvent les moments les plus intenses, les anecdotes que l’on aime raconter (toutes ces fois où j’ai « failli mourir » !). Ces (més)aventures sont le piment du voyage… Tout du moins selon mon point de vue.
C’est ici que revient la notion de subjectivité : comme pour se représenter un voyage idéal, un voyage parfait ne peut être dissocié de la notion de subjectivité.
Perfections et subjectivités
Ma perfection ne sera donc pas la même que celle de mon voisin : mon « voyage idéal parfait » (dans les destinations de mes rêves et avec le déroulement rêvé) sera unique… à tous les points de vue.
Il me sera propre, personnel, mais il sera aussi marqué par un contexte particulier. Si je me pose la question de mon voyage de rêve aujourd’hui et que je me la repose d’ici quelques années, il y a fort a parier que la réponse sera différente. Mais ma réponse pourrait également varier d’un jour à l’autre, selon mon humeur, le film que j’aurai vu la veille, les récits de voyage que je serai en train de lire…
Le voyage parfait est rarement une image rigide, fixée pour la vie. À l’image de l’homme qui évolue, les projets et les rêves changent… Même si retourner parfois à ses rêves anciens est ressourçant : les « vieux rêves » n’ont pas de dates de péremption !
Perfection et positivité
Est-il possible de définir le voyage parfait autrement que par la négative (« ne pas de problème ») ?
Après réflexion, je pense qu’il est possible de lister certains domaines liés au voyage, comme on ferait une checklist des points importants à réaliser pour passer de bonnes vacances. Voici 10 exemples de domaines autour du voyage :
- santé : se sentir en forme, ne pas tomber malade
- communication : pouvoir échanger facilement sur place, avec des locaux (et des voyageurs)
- sécurité : se sentir en sécurité lorsque l’on se promène dans les rues, lorsque l’on prend les transports…
- Convivialité : chaleur et gentillesse des gens sur place, facilité de contact, ambiance…
- Beauté : beauté des lieux, des paysages, des bâtiments…
- Nature : pouvoir avoir « sa dose » de contact à des grands espaces…
- Sport : pouvoir se défouler, expérimenter de nouvelles activités…
- Culture : visite de musées, de sites archéologiques, de patrimoines…
- Bienêtre : relaxation, détente, farniente…
- Météo : ne l’oublions pas, la météo influence souvent beaucoup le vécu du voyageur et la possibilité qu’il a d’apprécier le voyage.
Tous ces domaines peuvent avoir un degré d’importance différent pour chacun, certains privilégiant le côté nature, d’autres le culturel… Un voyage réussi sera ainsi un voyage où les domaines jugés importants emporteront un bon niveau de satisfaction.
Un voyage parfait : une question de ressenti
Au-delà de ces domaines, un voyage réussi sera souvent tout simplement un voyage qui laisse de bons souvenirs. Ce voyage réussi donnera envie au voyageur de se replonger dans ses souvenirs et de sourire rien qu’à y penser.
Petit exercice tout simple : fermez les yeux, faites le vide… Et pensez à un voyage agréable, des bons souvenirs à l’étranger. Quelles sont les premières images qui vous sont venues en tête ? Celles-ci sont-elles représentatives d’un voyage réussi à vos yeux ? Pourquoi ? Qu’avait de spécial ce voyage par rapport à vos autres expériences de voyage ?
Personnellement, lorsque je ferme les yeux, je vois des images de paysages qui m’ont émue, de contacts privilégiés avec des animaux, de rencontres et de personnes avec lesquelles j’ai noué des relations sur les routes… Des petits moments de bonheur à l’état pur aux quatre coins du globe qui reflètent les domaines qui sont importants à mes yeux pour vivre un beau voyage.
Un voyage réussit peut-être également un voyage qui a apporté quelque chose au voyageur : un voyage qui lui a permis d’évoluer et de grandir. Voyage et développement personnel sont clairement liés dans le ressenti du voyageur.
Et mon voyage parfait dans tout cela ?
Après vous être baladé en suivant les tours et détours de mes réflexions, vous vous demandez surement :
Et son voyage parfait à elle alors, à quoi ressemble-t-il ?
Mon voyage parfait : un voyage imparfait !
Comme je l’ai laissé entendre dans la définition du voyage réussi comme un voyage « sans problèmes », mon voyage parfait ne correspond pas à cette idée. Bien sûr, sur le moment, je préfère éviter de rater mon avion, d’égarer mes valises ou de me retrouver bloquée dans un bus suite à des éboulements de terrain… Mais (jusqu’à présent !) tout se termine toujours bien : comme dirait le personnage principal d’Indian Palace,
Tout se termine bien à la fin. Et si ce n’est pas une fin heureuse, c’est que ce n’est pas la fin.
Insouciante ? Peut-être. Confiante en tout cas.
En route, le mieux c’est de se perdre. Lorsqu’on s’égare, les projets font place aux surprises et c’est alors, mais alors seulement que le voyage commence. (Nicolas Bouvier)
Une question d’équilibre
Mon voyage parfait est ainsi un voyage profondément et intrinsèquement imparfait.
Pour arriver à ce résultat un peu paradoxal, il y a un juste équilibre à trouver lors de la création du voyage entre trop préparer VS ne rien préparer, ainsi qu’une attitude de lâcher-prise et d’ouverture à adopter sur place.
Cette harmonie ne va pas de soi et nécessite souvent tout un apprentissage, le juste équilibre étant une notion toute personnelle. Mais j’y reviendrai dans un prochain article.
Le revers du voyage parfait : le stress du voyageur
Certaines personnes (voire toutes) attendent leur départ en vacances avec la même impatience que les enfants attendent la nuit de Noël : que l’on parte une fois l’an ou plus souvent, les voyages, c’est sacré ! Mais certains peuvent du coup anticiper leur voyage avec une charge de stress importante, peut-être parce qu’ils partent moins souvent ou qu’ils aiment avoir plus de maitrise sur les choses…
Ce voyage, cela fait trop longtemps que je l’attends : il a intérêt à être parfait !
Pour eux, tout doit être parfait, et dans ce but, tout est préparé et savamment orchestré : les trajets, le logement, les activités… jusqu’à créer un planning digne d’un chef de guerre ! Nous sommes ici à un extrême de ce continuum entre « trop VS ne rien préparer ».
Cette recherche de la perfection engendre souvent une pression face à des attentes élevées (que ces attentes soient les siennes ou celles de ses proches). Paradoxalement, a trop vouloir atteindre la perfection, à trop vouloir préparer, à trop se mettre d’objectif… ce voyageur perdra bien souvent l’essence même de ce qu’il cherchait dans son voyage : le dépaysement, la découverte, le renouveau, la rencontre…
Le lâcher-prise est un concept certes très à la mode, mais pas pour autant facile à adopter. C’est pourtant le conseil principal que je pourrais donner à ces voyageurs : laissez la place à l’imprévu et à la spontanéité, aux rencontres et aux coïncidences.
Un bon voyageur ne doit pas se produire, s’affirmer, s’expliquer, mais se taire, écouter et comprendre. (P. Morand)
Un voyage ne se fait pas
J’entends souvent des voyageurs parler des voyages et des pays qu’ils ont « faits ». À mes yeux, comme on ne « fait » pas un pays, on ne « fait » pas un voyage. Dans la lignée du lâcher-prise en voyage :
On ne fait pas un voyage. Le voyage nous fait et nous défait, il nous invente. (David Le Breton)
À partir de cette observation, nous pouvons dire qu’un voyage se vit plus qu’il ne se fait : le voyageur ne le crée pas, il ne le maitrise pas. À l’image de sa vie, dont il oriente le cours sans jamais le maitriser, le voyageur vit chaque voyage comme autant d’expériences uniques.
Ainsi, le voyage parfait n’existe pas à mes yeux. J’aime que chacun de mes voyages soit unique et imparfait, j’aime me sentir libre de mes choix au jour le jour et non coincée dans un programme prédéterminé, quitte à manquer certains « immanquables » du lieu visité.
Je terminerai sur cette citation de Nicolas Bouvier :
Un voyage se passe de motifs. Il ne tarde pas à prouver qu’il se suffit à lui-même. On croit qu’on va faire un voyage, mais bientôt c’est le voyage qui vous fait, ou vous défait. (L’Usage du Monde)
Et vous, quel est votre « voyage parfait » ? Et quel voyage vous a « fait »?
Avec le recul j’arrive même à prendre du bon côté mon voyage « raté » en Inde… comme quoi, tous les voyages peuvent être positifs, même ceux qu’on pensait avoir complètement loupé!
Bonjour Claire, merci pour ton commentaire ^^
Je vois que tu arrives à prendre du recul et relativiser ; ce n’est pas toujours évident (ni possible ?).
Contente en tout cas pour toi que tu puisses trouver du bon dans une expérience jugée à la base « mauvaise ».
Je me dit souvent que ce sont nos expériences passées qui nous ont amenées là où nous sommes, les bonnes comme les mauvaises …
Gros coup de coeur sur ton article, tellement vrai !
Merci Jade ! Ravie que tu puisses t’y retrouver et le juger « vrai ».
J’essaye de prendre du recul tout en restant proche de mes ressentis (exercice parfois délicat !), alors je suis toujours contente d’apprendre que mes réflexions rejoignent celles d’autres voyageurs ^^
Super article, comme d’hab !
Bonjour Elise, un tout grand merci pour ton retour : c’est hyper encourageant et soutenant.
Surtout pour un article de réflexion, je ne suis jamais certaine de l’accueil qu’il va avoir; juste une envie de partager.
Qu’il puisse faire écho et recevoir un accueil si chaleureux me procure un soulagement et une grande joie !
Si tout était parfait… cela ne serait plus aussi croustillant et aussi nos galères qui font l’histoire d’un voyage sac à dos feraient un retour sans anecdotes
Je vois que tu partages le même point de vue que moi sur la question Laura 😉
Quand tu rencontres dans un coin du monde un autre voyageur la phrase qui revient souvent « ohhh la galère !!!! » elle est mythique celle-la 🙂
Oh que oui, cet article reflète exactement ce que je vis en ce moment. Je suis partie vivre autre part, et « Oh la galère ! » que je remplace aussi par « c’est pas Hawaï ici ! »
Mais à chaque difficulté, imprévu, « épreuve » , je m’empresse de penser, que sans je me serai bien ennuyée !
De toute façon la vie c’est un enchainement d’événements, de péripéties. Alors si on veux vivre son voyage, il faut des événements et des péripéties.
Et puis sans, qu’est-ce que je raconterai au coin du feu sur ma chaise a bascule à mes petits enfant ? 😛
Bref, vive le voyage parfaitement imparfait !
Ahah, ton message me fait rire, particulièrement parce que depuis peu, nous disons très souvent « C’est pas le Japon » ! (nouvelle échelle de repère !)
Tes mots me parlent, car relativiser et pouvoir sourire face aux « galères » de voyage, je pense que c’est un peu le début de la sagesse (dans le bon sens du terme, pas dans le sens « enfant sage », ça c’est autre chose ! ^^).
Et j’adore ta conclusion : oui, vive les voyages parfaitement imparfait ! 😀
C’est fou de voir combien nous partageons plusieurs aspects en ce qui a trait à nos philosophies respectives de voyage… un voyage de ene se fait pas, il se vit… le voyage parfait est un voyage imparfait, ta référence à « trop préparer, versus ne rien préparer du tout ».
Plus je te lis, plus j’apprécie 🙂
De mon côté, je me rends compte que mon « voyage parfait-(imparfait) » se modifie grandement avec les années, la maturité (peut-être :P), les expériences qui s’accumulent: expériences de vie, expériences de voyage. C’est impressionnant de voir à quel point cette notion progresse, évolue, change. Mon « voyage de rêve » aujourd’hui n’a rien à voir avec celui d’il y a une décennie, que de changements!
Merci pour ce chouette article !
Bonjour Bianca, merci pour ton commentaire (désolée pour le délai de réponse … mieux vaut tard que jamais 😉 !).
Ravie de voir que nous partageons une certaine philosophie du voyage ; c’est agréable d’échanger avec d’autres voyageurs et de rencontrer (même virtuellement) des personnes qui partagent les mêmes intérêts.
Je remarque aussi une certaine « évolutivité » dans mes représentations du voyage ; et surtout dans ma prise de recul et finalement ma prise de conscience et « formalisation » de mes représentations et conceptions.
C’est sympa de réfléchir sur ses représentations … et de s’imaginer qu’elles vont encore changer avec le temps (je serai curieuse de me voir dans 10 ans ^^).
Je dirais que le voyage parfait est celui où à la fin, tout se termine bien.
En Thaïlande, on a eu plusieurs gros soucis: ma soeur s’est fait renversée par une voiture, j’ai été mordue par un chien. Mais finalement, les conséquences ont été minimes, on s’en est sorties et on a finalement gagné en confiance en nous.
Maintenant, je sais que ce n’est pas la fin du monde d’avoir un souci et je suis capable d’y faire face.
Pour moi, mon plus gros stress, ce sont les gros ennuis de santé. Devoir gérer cela, loin et seule, je trouve cela angoissant.
Salut Laurence, merci pour ton commentaire ^^
Pour le voyage parfait, mieux vaut un « happy end », je te rejoins tout à fait.
Avec ce voyage au Cambodge où François a été fort malade, si sa santé ne s’était pas rétablie, toute la beauté des temples n’auraient pas pu remplacer le goût amer de la mauvaise expérience sur place. (Heureusement, il s’est totalement remis, mais il a été au total malade pendant un mois, dont 2 semaines sur place :s).
C’est vrai qu’une des choses les plus difficiles à vivre en voyage, c’est la maladie. Que ce soit pour le malade ou pour le conjoint, lorsque l’on voyage en couple. Ne pas craquer, garder confiance et le moral … pas toujours évident.
Article très intéressant ! Pour moi le voyage parfait, c’est celui qu’on est heureux d’avoir vécu, tant pour ce qu’il nous a apporté d’extérieur que ce qu’il nous a appris de nous/des autres. Par conséquent, les voyages qui me marquent sont ceux où nous avons eu des contrariétés (vol annulé à l’arrivée à l’aéroport à 2 jours de notre mariage, ou séjour avec quelques pépins), mais où tout finit bien.
Quant au voyage idéal, aucune idée ! Je suppose que c’est une conception qui varie selon nos humeurs, nos envies et les personnes avec qui on voyage ? Pas le même idéal en couple ou en solo, fatiguée ou en forme.
Merci Axelle pour ton message, ravie que cette réflexion t’intéresse 🙂
Je vois que nos avis se rejoignent. Cela fait du bien, je pense, pour relativiser lorsque l’on est sur la route et que l’on a des « pépins » : savoir que cela fait le piment de notre voyage, que l’on en ressortira vivant, si pas plus fort, et que l’on pourra en rire plus tard… Bref, vive l’imprévu et la spontanéité ! 🙂