Penser autrement. Vivre autrement. Consommer autrement… Ces mots se retrouvent partout : affiches publicitaires, campagnes électorales, discussion autour de la machine à café… Entre rêve et révolution, ces mots reflètent une volonté « d’autre », de différent. Une volonté qui se retrouve aussi dans le monde du voyage.
Voyager autrement : phénomène de mode ?
Nouveau ou pas, ce « voyager autrement » prend de plus en plus d’ampleur, jusqu’à se retrouver au cœur d’un marché touristique ciblé. Pour tous les gouts, les « autrement » semblent se démultiplier au gré de l’inventivité des tours opérateurs et petites agences de tourisme. Si certain ne semblent n’avoir d’alternatif que l’étiquette en haut du programme, d’autres se plongent dans une réelle réflexion de fond. Sortir de l’authentique folklorisé, du « typique vidé de sens » vendu aux touristes à la recherche de paysages et de costumes de cartes postales.
Mais non, ce n’est pas de tout ce mouvement touristique que je souhaite vous parler. Mais bien de ces quelques pistes qui existent, tout autour de nous, pour nous créer un voyage à notre image ou à l’image de nos envies de découvertes et de rencontres. Un voyage à visage humain.
Voyager autrement : quelques pistes
De mon expérience, j’ai pu tester quelques façons « différentes » de voyager. On sent déjà bien ici que toute cette notion de différence est profondément subjective et marquée culturellement. Moi qui voyage presque toujours de façon indépendante (sans tour-opérateur), mes voyages alternatifs sont ceux où je troque mon sac à dos et les longs trajets en bus ou en train pour d’autres moyens de transport, d’autres rythmes et d’autres cadres…
Voyage en voilier à Ibiza
Ibiza, plage, soleil et débauche ? Les sourcils se haussent, les regards jugent et accusent :
Pas une vraie destination pour un vrai voyageur !
Au-delà de ces notions de touriste vs voyageur, ne peut-on pas considérer un lieu comme beaucoup plus vaste que les images véhiculées par les médias ? Les clichés sont là pour être démontés, les décors de carte postale pour être contournés. Qu’il y a -t-il, de l’autre côté du rideau ? De l’autre côté du cliché ?
Bien loin des foules et des discothèques, je suis partie deux semaines sur un voilier. Oh non, je vous arrête tout de suite : je vous sens repartir sur d’autres clichés. « En voilà une qui a de l’argent ! Voyager en voilier, c’est très bourgeois ! »
Encore une fois, je vous invite à me suivre plus loin que ces clichés, sur une Méditerranée aux mille nuances de bleu, dans une coque de 11 mètres ballotée par les flots réguliers. À bord, 5 personnes. Le capitaine, barbu amoureux de la mer tout autant que de son voilier… et de sa femme qui l’accompagne, et trois membres de l’équipage, dont je fais partie. Grâce à la magie d’Internet, de parfaits inconnus se retrouvent dans un huis (presque) clos, ballotés par les flots.
D’Ibiza, nous aurons vu ses falaises abruptes, ses criques secrètes, ses poissons colorés… À ces images se mêlent celles des voiles gonflées par le vent, mon poste d’observation tout à l’avant du bateau (la proue, pour les pros), les apéros de fin de journée, tout aussi salés que nos peaux en sortant de l’eau… La Dolce Vita à l’état pur ! Le silence uniquement troublé par le cri des oiseaux et le bruit de vague. Un petit avant-gout de paradis.
Mais pas un paradis artificiel. Un paradis fait de vaisselle, de petits plats qui mijotent sur une cuisinière qui ballote, d’épluchures de patates et de nettoyage de pont. Un paradis fait de livres qui s’échangent, de rires qui se partagent et de débats qui se prolongent tard dans la nuit.
Voyage expérientiel au Pérou
Sans doute l’un de mes plus beaux moments de voyage. Un voyage dans le voyage. Lors de mon troisième séjour au Pérou, j’ai vécu pendant 3 jours chez une famille des Andes, près de Huaraz et de la Cordillère Blanche. Trois jours à découvrir les us et coutumes, les activités et la gastronomie du quotidien. Construire une maison en terre, labourer les champs avec les taureaux, préparer les repas…
Et surtout trois jours pour s’imprégner du rythme de vie de cette famille. Le rythme de la nature et de ses cultures de pomme de terre, celui des briques de boue qui sèchent au soleil pour agrandir la maison, du bus d’école qui ne revient au village qu’une fois le soleil couché. Le rythme des histoires qui se confient les yeux perdus dans les lumières chaudes des flammes qui dansent sous une marmite de soupe.
Les moments d’attente sont, paradoxalement, parmi les plus riches en voyage. On observe, on écoute et on prend le temps. Être avant de faire. Ces moments assis dans la courre, l’estomac gargouillant, à parler de tout et de rien, de son histoire, de ses espoirs… L’on ouvre la porte aux représentations culturelles :
En Europe, tout le monde est heureux et riche. Tout le monde a accès aux dernières technologies, tout le monde à Internet et la télévision.
Mais est-ce que le bonheur, c’est d’être riche ? De quoi animer des débats philosophiques jusqu’au bout de la nuit.
Voyager chez soi
Avant de clôturer le sujet, voici une belle manière de voyager autrement : voyager chez soi ! L’expression « les cordonniers sont les plus mal chaussés » s’applique également pour le monde du voyage : nous sommes généralement ceux qui connaissent le moins notre pays !
Cette évidence surgit avec force lors des échanges avec des habitants du bout du monde. Je me souviens au Canada, papotant avec une amoureuse de la mer et des iles : alors que je rêvais de découvrir la mer des Caraïbes, elle fantasmait sur notre mer Méditerranée. Après celle du cordonnier, c’est autour de l’expression « l’herbe est toujours plus verte ailleurs » de me sauter à l’esprit.
Pourquoi cette soif d’Ailleurs ? Pourquoi cette attraction du lointain ?
Découvrir les bouts du monde, c’est bien, mais il ne faudrait pas passer pour autant à côté des beautés qui se trouvent sous notre nez… Voyager autrement, c’est aussi changer son regard sur son propre pays et partir à sa rencontre.
Voyage et témoignage : à travers les pages
Mes voyages se poursuivent souvent à travers les mots des autres. L’occasion de découvrir des bouts du monde qui me sont totalement inconnus et de me plonger dans les récits de voyageurs en quête… En quête d’images, de rencontres, de réponses et, souvent, une quête d’eux même.
Tant de regards intéressants sur le monde et d’ouvertures à d’autres façons de penser et d’autres façons de voyager. Pour n’en citer qu’un, sans doute celui qui m’a le plus marquée et m’a introduite à l’univers des auteurs de récits de voyage : Alexandre Poussin.
Si vous ne découvrez ce nom, je vous invite avec urgence à aller lire le récit Africa Trek.
Voyager autrement : tant de chemins différents
Voyager autrement n’est pas un dogme. Ce n’est ni une obligation ni la meilleure solution. C’est avant tout une envie et une réflexion. Celle de penser à sa place dans le monde en tant que voyageur. Celle de vouloir varier les plaisirs. Celle de vouloir embrasser le monde de la façon la plus humaine possible.
Voyager autrement n’est pas une certitude. C’est un pari. Celui que, dans l’abondance des surprises qui surgiront lors de ces pas hors des sentiers tout tracés, les bonnes seront plus grandes et plus nombreuses que les mauvaises. Que le dépaysement et les rencontres vaudront l’inconfort probable du quotidien…
Voyager autrement se fait d’abord en pensées, en mots et en idées : c’est une attitude avant tout. Un regard sur le monde mêlant curiosité et émerveillement, saupoudré d’une pincée d’esprit critique et d’un soupçon d’indépendance.
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