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Un sac sur le dos Un sac sur le dos
Amandine

Certains lieux font rêver. Les Galapagos. L’île de Pâques. Le Japon. L’Islande. L’Antarctique. La Polynésie. Rien qu’à ces quelques mots, mon imagination s’emballe et mille images viennent se superposer les unes aux autres dans un chaos coloré. Tous ces lieux, j’en rêvais en espérant y aller un jour. Et je l’ai fait. Mais il existe encore d’autres lieux qui me procurent des rêves légèrement différents, teintés d’un je-ne-sais-quoi qui me les rend inaccessibles. Comme The Wave. 

Amoureuse des pierres et des paysages aux tons ocre et orangés, The Wave représente le tableau idéal pour me faire fantasmer. Et pourtant, une sorte de douce nostalgie embrumait ce rêve. Résiliation : je savais que je n’irais sans doute jamais. Trop compliqué. Et surtout trop peu de places disponibles pour rendre ce rêve accessible. 

Et pourtant…

Joyeux anniversaire !

C’était le 18 août. Nous revenions tout juste de Zion, où nous en avons pris plein les yeux en réalisant deux des plus belles randonnées de ma vie. Et ce 18 août 2019 restera à jamais un jour très spécial pour nous. C’est celui du premier anniversaire de notre petit voyageur… et celui où nous avons gagné à la loterie pour aller voir The Wave ! (Car il faut un permis pour aller randonner dans ce parc, et la demande est tellement grande qu’ils ont organisé une loterie en ligne et une « physique » dans leurs bureaux).

Comme le dit le dicton, la troisième c’est la bonne (ou jamais deux sans trois ?). 

C’était notre troisième tentative, et sans doute la dernière, pour obtenir le droit d’accès à ce parc naturel. La première fois, j’y allais avec beaucoup d’excitation, mais sans trop y croire. La seconde fois, j’y croyais : nous étions moins nombreux, nous étions déterminés… 

Lors de notre troisième loterie, je n’y croyais absolument pas. La salle débordait de monde, nous n’avions jamais vu autant de personnes présentes. Nous étions même venus sans prendre les documents et l’argent nécessaire ! Nous y allions parce que notre hôtel était tout à côté et que cela aurait été bête de ne pas tenter. Et puis, des ami·es de voyage y étaient justement ce matin-là, c’était l’occasion de passer les saluer… 

Premier numéro tiré. Le nôtre. 

J’avoue, j’ai crié. Mais genre, le grand cri ! Celui qui fait que toute la salle se retourne sur toi.

Moi qui passais mon temps à faire des allers-retours avec Manoa pour qui rester en place sans bouger pendant une demi-heure n’était pas réaliste… J’arrive dans la salle juste au moment où j’entends notre numéro être annoncé ! Rien que d’y repenser, j’ai des frissons sur tout le corps et des papillons dans le ventre !

François restera à l’intérieur pendant près de 2 heures pour le briefing de sécurité obligatoire. Départ prévu demain matin avant l’aube.

The Wave : du rêve à la réalité 

Il fait encore nuit noire lorsque nous montons à bord de notre TARDIS. Personne sur les routes. Nous avons prévu d’arriver juste avant 7 heure du matin, l’heure d’ouverture officielle du parc.

Nous quittons la route goudronnée pour les pistes de sable et nous enfonçons dans le ventre du désert. J’ai l’impression de que notre voiture glisse dans l’oesophage d’un monstre géant. Peu à peu, nous nous faisons avaler par ce néant. Chaque seconde qui passe nous coupe davantage du monde. La route se rétrécit. Le réseau téléphonique diminue pour bientôt disparaitre… 

Chaque caillou ressemble à un rongeur prêt à détaler. Chaque buisson a un lion prêt à bondir (oui oui, il y a des lions des montagnes ici !). Et chaque bosse dans la route à des serpents paressant au milieu du chemin.

Finalement, nous croiserons la route d’un lapin, voire d’un jeune lapin (les fans de Kaamelott savent !), bondissant devant nos pneus et savamment évité par François.

Nous roulons les 15 derniers kilomètres à 20 km/h. La route semble interminable, et le chemin toujours aussi obscur. La voiture secoue dans tous les sens, grince et tremble dans un bruit sourd… Et Manoa dort toujours paisiblement, ma main délicatement posée sur sa tête blonde pour lui éviter le chaos de la route.

Peu à peu, l’obscurité de la nuit laisse la place à l’heure bleue. Les montagnes se parent d’aréoles dorées. La vue se dégage tout en douceur. Que c’est étonnant de voir ces paysages bouillonnants, si verts, alors que bientôt nous serons dans l’une des pires fournaises au monde, faite de roches ocre et orange.

Nous sommes dans un drôle d’état. Nous n’échangeons pas un mot, à part de temps en temps des petits « ça va ? » appuyé d’un regard qui en dit long. C’est l’excitation. Un sentiment très similaire au trac avant de monter sur scène. C’est ça. On a le trac ! Après le speech kilométrique reçu la veille en même temps que nos autorisations pour la randonnée, et les messages de mise en garde très touchants d’une de nos abonnées sur Instagram dont le père est mort l’an dernier alors qu’il était en randonnée à The Wave… oui, nous avons le méga trac !

Mais nous nous sommes préparé·es du mieux possible. Et nous nous sommes fixé une heure limite pour faire demi-tour, que l’on ait atteint The Wave ou non.

A chaque seconde qui passe, l’obscurité cède à la lumière. Encore deux kilomètres et nous y serons… et pas la moindre trace d’autres randonneur·euses jusqu’ici.

Voilà le parking. 4 voitures stationnées. Pas une âme qui vive.

Un pas après l’autre, direction The Wave

Voiture garée, sacs chargés, bébé réveillé et dans le porte-bébé. Nous sommes prêt·es ! Nous indiquons nos noms dans le cahier au départ du chemin. Moment d’émotion et de tension. C’est la dernière trace que nous laissons à la civilisation… Ce cahier me donne aussi une vision. Celle d’une scène du film « The Wild », où la randonneuse inscrit son nom dans un carnet similaire. Nous rêvions de faire le PCT et avons changé de projet en cours de route… Mais nous voici, ici. Mon coeur bat la chamade en pensant à ce revirement de situation, cette drôle de revanche de nos rêves… 

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Le carnet où inscrire son nom avant la randonnée

Nous marchons d’un pas soutenu, prenons nos points de repère régulièrement, buvons tout aussi souvent. Et pourtant, malgré toute cette tension liée à la sécurité, je ne peux m’empêcher de m’extasier. 

Que. C’est. Beau.

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Paysage de début de journée

Beau n’est pas assez fort. Epoustouflant, trop galvaudé. Je ne trouve pas de mots juste. J’espère que les quelques images, faites avec nos téléphones pour nous épargner le poids de l’appareil photo, pourront rendre justice à lieu magique. Nous n’avons pas encore atteint la roche rouge et la mythique vague de The Wave que je ne suis déjà qu’extase.

Merci la vie. 

Les quelques piquets en bois nous raccrochent à la réalité et au sentier, de loin en loin. Nous suivons le chemin, qui est visuellement inexistant, tout en pensant à tous les malheureux·ses qui se sont perdu·es ici. Et nous comprenons à quel point il est facile de perdre tous ses repères. Surtout avec cette chaleur qui ne fait que monter, alors que le soleil commence à peine sa course. 

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Nos guides dans ce paysage de folie

Manoa est paisible. Il est habitué à être dans le porte-bébé pour de longues randonnées. Je lui commente le paysage, lui dit à quel point c’est beau, étonnant, magique… Je lui parle des couleurs, des mouvements de la pierre, de la moindre trace de vie qui croise notre route.

Nous faisons même une photo de Pipou, son petit personnage pompier, là où le paysage nous fait penser à une « mini-Wave ». Manoa s’enthousiasme de voir Pipou au centre de l’attention ! 

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Pipou dans « Mini-Wave »

Au pieds de la grande dune de sable au contrebas de The Wave, nous rattrapons une voyageuse accompagnée d’un guide-photographe, dont nous avions déjà repéré le travail à Kanab. Nous échangeons quelques mots sur l’improbabilité et le plaisir d’être là, sans pouvoir dire lequel de ces sentiments prend le pas sur l’autre. 

Au bout de la montée, le décor de théâtre que nous attendons tous se dévoile. Celui pour lequel nous sommes parti·es si tôt, avons tant marché, avons pris tous ces risques… The Wave.

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Visiter The Wave avec un bébé

The Wave, la vague qui fait chavirer mon coeur… et celui de Manoa

Oh. Mon. Dieu.

Loin de moi l’envie de me transformer en Janis (les fans de Friends savent !), mais Oh. Mon. Dieu. Si j’avais l’impression de manquer de mots jusqu’ici… c’était me tromper. C’est maintenant, véritablement, que tout mon vocabulaire prend la clé des champs.

J’aimerais être une grande écrivaine capable de vous partager ces mouvements et ces couleurs. Si j’aime tant les paysages rocheux, c’est pour ces deux forces. Ce sont elles qui procurent à la roche toute sa puissance et sa beauté. 

Je reste tout d’abord stupéfaite. Un peu comme devant un paysage tellement rêvé, tellement vu en photo et sur les écrans, qu’il en parait irréel. Mais non, il fait bien partie de notre dimension. Je peux témoigner : The Wave existe bel et bien.

Je n’ose pas y toucher, de peur que la roche ne s’effrite sous mes doigts et qu’il n’en reste qu’un tas de sable et de poussière. Manoa ne s’embarrasse pas de toutes ces questions. A peine au sol, il avance à quatre pattes, s’assied… et m’offre un des plus beaux souvenirs de ce voyage. 

Il lève doucement sa tête, suivant la courbure de la vague. Sa tête monte, et monte encore. Et avec elle, je sens son émerveillement et sa surprise augmenter tout autant. Ses yeux sont grands ouverts et sa bouche laisse échapper un magnifique « Waaaaaaaw ». Un waaaaw qui ne se terminera qu’en même temps que ses petits yeux auront atteint le sommet de la vague. Un waaaw d’une pureté, d’une joie et d’une magie incroyable. 

A celleux qui pensent encore que cela ne sert à rien de voyager avec un bébé, qu’ils ne rendent compte de rien. Manoa a répondu à toutes vos remarques en un mot : « waaaaaaaw » ! Le débat est clos !

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Manoa : « Waaaaaw »
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Photo de famille à The Wave

Découvrir The Wave, une expérience intime

La limitation du nombre de personnes et l’heure matinale à laquelle nous avons commencé cette randonnée nous ont permis d’être pratiquement seul·es sur place. En plus des 3 voyageur·euses croisé·es en arrivant, nous découvrons un groupe venu faire des photos de mode et arrivé bien avant nous. 

Nous prenons soin de ne pas nous gêner les un·es les autres. Pour pouvoir prendre notre temps et nos photos. Mais surtout pour pouvoir nous imprégner de ce lieu magique. Chaque recoin offre un mouvement, une lumière et une couleur différente. Une flaque d’eau vient augmenter l’impression surréaliste de se trouver en plein mirage… Ou dans un tableau de Dali.

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The Wave, mythique, mystique…
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The Wave, magique

Je sais que je suis en train de vivre un moment très spécial. Comme notre arrivée au Machu Picchu, alors que nous étions les premier·ères à entrer sur le site. Dans ce genre de moment, mon cerveau frise. Tout s’arrête. Mon coeur s’emballe, ou ralentit. Je ne sais plus. Dans ces moments, tous mes sens sont aux aguets. Comme si j’essayais de capter toutes les nuances de mon environnement et de mon âme en même temps. Une sorte d’enregistrement pour une impression 3D dans ma mémoire, pour pouvoir revivre ce moment encore et encore. 

Peu de moments de ma vie m’ont fait cet effet. Mais, plusieurs mois plus tard, alors que je me replonge dans cet article que j’avais commencé le jour même, depuis la banquette arrière, je me rends compte que l’émotion est toujours là. Presque intacte.

Merci la vie. 

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Les couleurs et le mouvement de la roche
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Seconde photo de famille… avec un bébé qui s’en va
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Manoa grimpe la vague pour me rejoindre !
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François au creux de la vague

Le retour de The Wave, en pleine fournaise

Avec beaucoup de sérieux, François me dit, après seulement une demi-heure sur place : « il est temps ». Je sais qu’il a raison. Mais je me sens comme une enfant qui veut négocier un dernier dessin animé auprès de ses parents avant d’aller se coucher. Encore un peu, juste un tout petit peu.

Il faut suivre le plan. Celui que nous avons mis au point pour limiter les risques au maximum. Je regarde notre bébé et je sais que je ferai toujours tout pour penser à sa sécurité. Je le prends dans les bras, l’embrasse très fort et lui explique qu’il est temps de quitter cet endroit magique. Alors que je l’installe dans le porte-bébé, j’en parle déjà au passé. « C’était bien, oui ? Ça t’a plu ? C’était beau, toutes ces couleurs, et cette roche qui ressemble à une vague ? Waaaw ! ». Manoa, toujours aussi enthousiaste, répond à mon waaaw par un waaaw qui me fait fondre le coeur. 

En route ! 

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Retour sous un soleil de plomb

Sur le chemin du retour, nous croisons d’autres groupes qui avancent vers le lieu mythique. Certains portent à peine un petit débardeur et ne semblent pas être munis d’eau… Nous espérons que tout ira bien pour eux, et poursuivons. Le sac de François s’allège de toute cette eau que nous buvons presque en continu.

Manoa s’endort au sein, puis se réveil, de chaud ou de soif je pense. Nous pressons le pas et nous faisons violence, tant la chaleur étouffante nous plonge dans un état de torpeur.

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Bébé en porte-bébé et allaité tout le long de la randonnée

Un pied après l’autre, sur ce sol qui irradie, nous avons l’impression d’avancer dans un décor de cinéma sans fin. La où The Wave était confinée, entre des murs et parois élevés, le paysage ici semble infini.

Des moments de doutes, suivis d’autres de soulagements : ouf, nous sommes toujours sur la bonne route. 

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Un piquet signalant le chemin au loin
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Des cheminées de pierre
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La chaleur augmente à chaque pas

Lorsque nous retournons au milieu des buissons et quittons le désert ardent, nous avons l’impression de tourner une page de cette aventure. La fournaise est derrière nous. The Wave fait déjà partie de notre passé. C’est presque au pas de course que nous arrivons à la voiture. 

François écrit nos noms sur le registre, petit carnet qui nous reliait à la civilisation. Nous aurons mis un peu moins de 3 heures pour réaliser cette randonnée. Fier·ères, mais surtout heureux·ses et tellement reconnaissant·es, nous reprenons le volant. 

Au revoir The Wave. 

Maintenant que nous t’avons vue, je ne rêve que d’une chose. Revenir. Un jour. Avec un Manoa plus grand qui marchera par lui-même. Et toujours avec des étoiles dans les yeux et des « Waaaw »  qui se perdent vers les cieux.

Merci.

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The Wave a, elle aussi, une vue magnifique a admirer

Pour poursuivre la lecture

Je prévoyais de donner le détail des informations pratiques dans cet article… Mais il est déjà suffisamment long ! Je les rassemblerai donc dans un prochain article. 

Et cet article est issu de notre grand voyage à travers les USA et le Canada. De nombreux articles sont déjà sur le blog… et de (plus) nombreux articles arriveront encore par la suite !

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2 réponses à “The Wave, voyage au coeur de la vague de pierre”

  1. On a loupé ce parc lors de notre roadtrip dans l’ouest; Dommage car c’est impressionnant !!! Je me souviens de cette histoire de loterie dont vous aviez parlé en story ! Moi qui suis toujours à l’arrache question orga…là faut pas se louper et pis laisser faire la chance ! Merci pour vos belles photos, petit moment d’escapade de ma journée 🙂

    • Merci Céline pour ton commentaire 🙂 Je pense que peu de voyageurs ont la chance de découvrir ce lieu, nous-même nous n’en revenons toujours pas d’avoir eu cette chance ! Même maintenant, lorsque nous regardons les photos, nous avons encore du mal à y croire !

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