Les Montagnes du Jura : notre première bulle d’air depuis notre retour d’année sabbatique. Notre premier voyage de 2016. De quoi bien commencer l’année ! Nous y avons réalisé des activités en tous genres : insolites, magnifiques, physiques… Et l’un de nos rêves de « grands enfants » : du chien de traineau !
Chien de traineau : première expérience au Canada
C’était il y a 9 ans. J’étais partie vivre au Canada pendant 5 mois. Cinq merveilleux mois qui m’ont fait découvrir Québec en hiver et au printemps. Que de rêves à réaliser pour ce premier séjour seule à l’étranger. Un de mes grands rêves : faire du chien de traineau.
Un rêve que je me suis empressée de réaliser lorsque François m’a rejoint pour deux semaines, au cœur de l’hiver. Je me souviens de nos gros traineaux, tirés par 8 chiens noirs, bruns, gris et blancs. Je me revois glisser sur des terrains plats et vastes, les chiens avançant comme sur des rails, me laissant tous le loisir de profiter du paysage…
Ça, c’était au Canada.
Et cette expérience ne me préparait en rien à ce que nous allions vivre en France, dans les Montagnes du Jura !
Le traineau libre des Montagnes du Jura
Nous rejoignons Alexis Champion sur le parking des mushers, à la sortie du village de la Pesse. Un musher qui porte bien son nom : pour Alexis, pas question de sortie pépère ! Ici, tout est optimisé, les traineaux comme les chiens (choisis parmi les races les plus rapides de chiens de traineau).
Le chien de traineau, c’est beau, c’est technique !
Pour lui, les courses (comme La Grande Odyssée) négligent l’aspect technique du musher pour se concentrer sur les performances des chiens, qui sont souvent poussés à leur limite et plus loin.
Les chiens, je ne les dresse pas. Je les éduque. Comme des enfants : je leur offre un cadre pour grandir.
Un cadre et beaucoup d’amour. Cela se lit dans le regard passionné d’Alexis.
Après une présentation en règle de ses chiens, nous préparons les traineaux. Alexis nous prévient :
Règle n° 1 : surtout, ne lâchez jamais votre traineau. Jamais ! Bon, sauf si vraiment vous avez peur pour votre vie, hein. Je vous demande pas non plus de prendre des risques démesurés. Mais ne lâchez jamais !
Les chiens, nous explique Alexis, ont peur du traineau : si vous tombez, ils continueront à courir pour que le traineau ne les rattrape pas. Après la règle n° 1 en viennent plein d’autres, se succédant à un rythme soutenu. Des sueurs froides commencent à glisser le long de mon dos : je ne me souvenais pas que c’était aussi technique lorsque nous étions au Canada !
Enfin prêts, Alexis me crie le nom de mes chiens pour couvrir le vacarme de leurs aboiements impatients : Horton, Gipsy, Mola et Modjo.
Horton, Gipsy, Mola, Modjo.
Horton, Gipsy, Mola, Modjo.
Je répète ces quatre noms en boucle comme une litanie. Ne pas oublier les noms. Ne pas perdre le contrôle. Ne pas lâcher le traineau. Les deux pieds sur le frein et les mains sur le guidon, je pousse de tout mon poids pour maintenir le traineau et résister aux assauts répétés de mes quatre chiens (plus que) prêts au départ.
Alexis part en premier, François en second et moi je ferme la marche. Du moins, c’est ce qui était prévu… Alexis s’élance, suivi directement de François qui ne parvient pas à contenir l’énergie de ses chiens.
Paula, non !
François crie, mais Paula, sa chienne de tête, n’écoute pas. Paula n’a que la route en tête. La route et son maître, Alexis. Suivre le maître. Vite ! Tellement vite que François, surpris par l’accélération, est déséquilibré. Tant bien que mal, il s’accroche au guidon. Mais à la première petite bosse, la secousse est trop forte et François perd l’équilibre, projeté en l’air.
10 secondes. Tout cela s’est passé en moins de 10 secondes. Des traineaux bien rangés prêts au départ, en moins de 10 secondes, on se retrouve en plein chaos. Les chiens aboient de plus belle et le traineau de François se fait la belle. Au sol, sonné, François se relève sans trop comprendre ce qu’il vient de se passer. Au taquet, Alexis file sur son traineau rattraper le traineau fantôme. Il encourage son chien de tête : « Go, Google, GO ! »
Mon traineau avance par à-coup, mais je parviens néanmoins à le maintenir sur la ligne de départ.
Horton, tu restes ! Gipsy, tu restes ! Mola, tu restes ! Modjo, tu restes !
Horton… !
Alexis et François reviennent vers moi, chacun sur son traineau. Faux départ. On oublie tout on recommence. 3. 2. 1. Partez ! Les traineaux s’élancent, dans l’ordre et la (presque) discipline sur la piste enneigée.
Mes quatre chiens courent à toute vitesse. Je comprends la surprise qu’a eue François à son mauvais départ. Surtout ne pas tomber ! Surtout garder un pied prêt sur le frein. Surtout, surtout…
Mais au bout de quelques minutes, les virages s’enchainent… et je suis toujours là, bien droite sur mon traineau ! Ou plutôt bien pliée. Car comme au ski, la position « assis-debout » est la plus efficace pour garder l’équilibre et accompagner les mouvements du traineau.
Entre les « wouf » des chiens et les « shhhhh » du traineau glissant à pleine vitesse, j’entends le vent frapper mon visage et le silence de la forêt. Rien. Personne. Tout est blanc, tout est sauvage. L’espace d’un moment, alors que nous traversons une zone de poudreuse en hors-piste, je m’imagine être une exploratrice de terres lointaines. Dans le Grand Nord. Une terre où l’homme n’a encore jamais posé le pied. Recouverte d’un manteau de neige dont personne avant moi n’avait admiré la blancheur.
Virage !
Rappelée à la réalité par Horton qui tire comme un demeuré, je freine juste à temps et évite à mon traineau de se renverser dans la courbe. Car, une chose que l’on apprend rapidement, les chiens ne font jamais de jolis virages bien larges. Non ! Ils tracent une trajectoire la plus droite possible. Celle qui les rapprochera le plus rapidement de leur maître et du traineau de tête. Des branches dans le chemin ? Dommage pour le musher, les chiens n’en ont cure !
Ah, une montée. J’encourage mes chiens, surtout Horton et Gipsy, mes chiens de tête. Un pied hors du traineau, je fais de la trottinette pour les aider dans leur effort.
« Les chiens le savent quand vous les aidez, quand vous poussez avec eux. Ils savent que vous faites partie de la même équipe. Et ils vous le rendent bien », nous avait prévenus Alexis.
Oh que oui ils me l’ont bien rendu, Horton, Gispy, Mola et Modjo ! À chaque minute qui passe, je les sens plus à l’écoute, plus en confiance. Ou est-ce moi qui gagne en confiance ? Le moindre ordre est entendu et appliqué. J’apprends à anticiper les actions et poser les bons mots au bon moment. Mon corps et le traineau s’accordent, penchant d’un côté ou de l’autre pour accompagner les courbes et épouser les virages. Oreilles dans le vent et langues pendues, mes chiens prennent du plaisir à courir dans la neige, et je m’éclate à pleine vitesse dans les descendantes blanches.
Je me verrais bien m’installer les mois d’hiver dans des paysages du Grand Nord, apprendre à devenir musheuse. M’occuper des chiens, les éduquer, les promener. Vivre dans la nature toute la journée, entourée de paysages blancs…
« Bon, maintenant, ça va être une belle descente avec deux grands virages devant nous », nous prévient Alexis, comme si les choses sérieuses commençaient enfin.
Ah ? Un peu inquiète, je me demande à quoi m’attendre, sachant que les descentes et virages que nous venons de prendre étaient déjà « beaux » à mon goût… Technique, précision, bon timing pour freiner et donner ses ordres… OK. Je respire à fond. J’encourage chacun de mes chiens par son nom. Horton. Gipsy. Mola. Modjo. Ça va être à nous. Étant plus à l’aise et plus rapide que François, il me laisse passer avant lui.
OK, GO !
Mes quatre chiens s’élancent à toute vitesse.
« Oooooh, doucement, douuuucement ! »
M’ont-ils entendue ? Ont-ils envie d’en faire à leur tête ? Ou veulent-ils simplement prendre leur pied dans cette magnifique descente… ?
Aïe, virage en vue. Trop courts, nous sommes trop courts sur la courbe. Ça ne va pas le faire. Douuuucement, douuuucement… ! Ah non, pas si doucement ! La corde se détend, Modjo commence à l’avoir qui bat devant sa truffe. Il risque de l’enjamber, de se retrouver coincé et de se blesser. OK, GO, on accélère ! Je lâche le frein en plein virage et encourage mes chiens à reprendre de la vitesse pour retendre cette corde. Oui ! La corde instantanément se retend… et sous le choc, le traineau perd de sa stabilité. Et moi avec.
Sans doute une des plus longues secondes de ma vie.
Que faire ? Mes pieds courent derrière le traineau, mais trop lentement. Mes mains toujours agrippées au guidon, mon cerveau réfléchit à cent à l’heure, mais ma bouche n’articule plus aucun son. « Surtout ne pas lâcher ! », la voix d’Alexis me revient en tête. Ne pas lâcher, ne pas lâcher… Mes doigts glissent, mes pieds prennent de plus en plus de retard sur l’attelage. Je dois tenir. Encore un peu… Soudain, mon pied droit bute sur l’armature du traineau et je pars à la renverse. Je me sens si lourde. Je vois mon traineau glisser sans moi et Alexis, au loin, qui se prépare à l’accueillir. Je tombe, je roule… Des restes de mes cours d’aïkido de ma jeunesse me reviennent instinctivement, et me voilà à faire une parfaite chute avant (ce dont je n’avais jamais été capable à l’époque…). Aucun mal, je me relève et cours vers mon traineau, déjà récupéré par Alexis.
Il m’accueille en me demandant, dans un même souffle, si je me suis fait mal et pourquoi j’ai lâché mon traineau ?!
Nous reprenons la route et je reprends confiance dès le second virage. C’est de l’histoire ancienne. Ni Horton ni Gipsy ni Mola ni Modjo ne semblent m’en tenir rigueur. À nouveau légère, je file contre le vent, je glisse sur la neige, emportée par mes chiens…
Mais toutes les bonnes choses ont une fin. Nous voici arrivés au bout du parcours. Retour à la case départ. Fatigués. Endoloris pour certains (comme François qui sera tombé quatre fois). Mais heureux.
Nous détachons les chiens des traineaux… Enfin, Alexis les détache, et nous nous reprenons notre souffle ! Vient le temps des remerciements : poignée de main à Alexis et caresses à tous les chiens. Surtout Horton, sur qui j’ai le plus compté pendant cette sortie. Mon meneur, mon premier chien de tête. Mon impatient, mon nerveux, mon puissant, mon fidèle Horton ! Aucune rancune dans son regard malgré tous les ordres que je lui ai crié. Un regard profondément doux, un visage qui appelle aux câlins.
Horton, Gipsy, Mola, Modjo. Merci !
L’aventure, toutefois, ne s’arrête pas là. Pas le temps de nous remettre de nos émotions : notre programme dans les Montagnes du Jura nous réserve encore d’autres belles découvertes…
À suivre !
Bonne adresse
Pour faire du chien de traineau avec Alexis Champion : Free Sled (« Traineau Libre »)
Encadrement par un professionnel diplômé, compétent et surtout passionné !
Site web : Free Sled
Localisation : à la sortie du village de La Pesse (direction Oyonnax), sur le parking musher
Et plus d’informations sur le site des Montagnes du Jura.
En partenariat avec Montagnes du Jura.
- Comment affronter le froid en voyage ?
- La Grande Odyssée : une aventure canine (+ vidéo) et Portraits de mushers : partie 1 et partie 2
Vous me faites rêver avec votre histoire et finalement le Jura n’est pas si loin de la Suisse 🙂 En ce moment, on est en train d’attendre la neige mais j’aimerais bien aussi tenter l’aventure en chiens de traîneau si la météo le permet.
P.S Je ne sais pas si c’est uniquement chez moi mais le lien vers Free Sled ne fonctionne pas…
Merci Letizia pour ton commentaire. Oui, une région pas si lointaine pour une expérience Grand Nord dépaysante ! On a vraiment adoré notre séjour là-bas ! Tant de choses encore à vous raconter !
Effectivement le site n’a pas l’air de répondre. J’ai changé le lien vers leur page Facebook, comme ça tu trouveras toutes les infos nécessaires si jamais tu veux tenter l’aventure 😉
Quel beau moment !!!! J’adorerais !
Merci Amandine pour ce récit. Ça me rappelle des souvenirs, quand nous avions fait un circuit de 2 jours en chiens de traineaux à la frontière entre la Suède et la Finlande. Ce que tu racontes, c’est exactement ce que l’on a vécu : départ en trombe difficile à gérer, virage un peu raide où il faut presque sauter pour suivre le traineau, l’instinct des chiens de tête et leur coup d’oeil en arrière quand on freine trop… C’était absolument génial, et tu m’as vraiment donné envie d’en refaire !
Merci Alice pour ton commentaire. Quelle belle expérience cela a dû être : 2 jours d’expédition en Laponie, un rêve ! 🙂
Oui, faire du chien de traineau, c’est vraiment une superbe expérience à vivre… et à revivre 😉
Ohhhh mais j’ai trop envie de faire ça ! Ca me fait rêver ! Merci pour les sensations ! 🙂
Merci pour ton message Stéphanie ^^ Ravie d’avoir pu te faire partager mon rêve et rêver à ton tour !
Superbe article et photos magnifiques. ça donne vraiment envie 🙂
Ouf, très haletant ce reportage … Sportif. Bravo pour cette narration et pour les belles images !
Merci Aline et Alain pour vos messages ! 🙂 Ravis que ce reportage vous ait plu et vous transmette l’envie de vivre cette belle expérience ^_^ On y retournerait bien tout de suite si on pouvait !!!
Trop trop beau reportage… où je me reconnais par les origines de mon mari natif des Fourgs dans le Doubs, petit village entre Pontarlier et la frontière Suisse à 5km de la frontière… où je vois passer régulièrement des vacances et faire des balades en chiens de traineau… Merci pour ce magnifique partage
Merci Nelly pour ton message, ravie que tu puisses retrouver ces paysages et ambiances que tu connais bien 🙂
Je découvre seulement votre blog et je trouve les images magnifiques !!! Sont elles toutes de vous ? Sublime beau travail
Bonjour Fanny, merci pour ton message, cela nous fait très plaisir ! Et oui, les photos sont toutes de nous (c’est François le photographe, je lui transmets tes compliments ! ^^).
Merci encore et au plaisir d’échanger dans de futurs commentaires (et si la région des Montagnes du Jura t’intéresse, je t’invite à lire aussi cet article).