J’étais déjà venue me promener entre ces pierres jaunies par le temps. Je me souviens de m’être sentie si petite sous ces voutes perchées à 23 mètres, si jeune dans ce décor dans lequel je n’aurais pas pu pénétrer quelques centaines d’années plus tôt. Je vous emmène en balade dans ma ruine mystique préférée de Belgique, l’abbaye de Villers-la-Ville.
Si les pierres pouvaient parler…
Si les pierres pouvaient parler, que me raconteraient-elles ? J’aime les vieilles pierres, toutes les vieilles pierres. Des ruines incas du Machu Picchu aux vestiges antiques de Rome en passant par les murets délimitant les champs en Croatie. Les pierres dégagent une énergie, une vie propre à elle.
C’est ce que nous avait expliqué patiemment Cristian lors de notre dernier voyage au Pérou, comme on reprend les bases de l’éducation d’enfants récalcitrants. Oui les pierres sont vivantes. Les empilant méthodiquement pour construire sa maison dans la Cordillère Blanche, Cristian écoutait les pierres lui parler : non, celle-ci n’appartient pas à cette place, je la reprendrai plus tard. Il ne faut pas forcer les pierres, elles doivent être connectées entre elles pour construire un mur fort qui durera l’éternité.
L’éternité. C’est exactement ce que représentent les pierres pour moi. Elles incarnent le temps, le passage éphémère des hommes sur Terre et la continuité de notre espèce au travers elles. Nous nous parlons sur les parois des cavernes depuis la nuit des temps. Une tradition qui évolue et perdure, encore et encore jusqu’à aujourd’hui…
Il était une fois, à l’abbaye de Villers-la-Ville…
Il était une fois un enfant devenu homme. À douze ans, Jean décide d’entrer à l’abbaye. Il sait lire et écrire, il pourra donc devenir moine après un an de noviciat. Il se dit qu’il est prêt, prêt à prononcer ses vœux sacrés. Comme avec les génies des pays lointains, lui aussi, il a droit à trois vœux (même si, à y penser, les vœux de ces contrées païennes lui paraissent plus tentants).
Stabilité. Pauvreté. Amélioration constante des mœurs.
Il deviendra le plus pieux des hommes et méritera une belle place dans le prochain monde. Si cette vie-ci lui réserve peu de voyages, la suivante promet d’être intéressante.
Il traverse la forêt et quitte son village ; le seul village qu’il n’ait jamais connu. D’ici quelques heures, il apercevra les hauts murs de l’abbaye. D’arbre en arbre, Jean se répète ce qu’il dira en entrant. Il sait que les voyageurs demandant l’hospitalité pour la nuit doivent réciter une prière, comme une formule secrète pour garantir leur ferveur et mériter l’accès. Il récite alors toutes celles qu’il connait, effrayant sur son passage quelques oiseaux et un lapin. Les rayons du soleil filtrent entre les branches et viennent éclairer les fleurs violettes qui tapissent le sol. Une vision apaisante pour Jean qui respire à plein poumon, sous le chant des rossignols. Ça va aller se répète-t-il. Ça va aller, comme il le disait ce matin en quittant sa mère en pleur. Ça va aller.
Il sait que la vie qui l’attend sera dure, mais juste, sans grandes surprises, mais stable. Là-bas, il mangera à sa faim une fois par jour. Là-bas, il vouera sa vie aux 8 prières qui rythmeront ses journées. Là-bas, il deviendra un moine.
Enfin, la grande muraille qui entoure le monastère se dresse devant lui. Il parait qu’en Chine aussi, ils en ont une de muraille, lui avait raconté son père. Se pourrait-il qu’elle soit plus impressionnante que celle-ci ? Jamais Jean n’en avait vu d’aussi grande. Son père lui a dit qu’elle s’étendait sur 7 kilomètres. Il espère avoir le temps un jour d’en faire le tour. Quand il sera moine.
Visiter l’abbaye Villers-la-Ville
Visiter Villers-la-Ville avec un guide m’a permis d’en apprendre beaucoup sur l’abbaye, l’histoire de ma région et de la vie qu’on y menait aux siècles passés. Ce que j’aime le plus dans les visites guidées ? Décrypter ce qui est invisible aux yeux des profanes ! Tels les enquêteurs de Da Vinci Code, nous découvrons une seconde manière de lire le monde qui nous entoure. Le meilleur exemple de visite jusqu’à ce jour reste celui du Palais Quinta da Regaleira à Sintra (Portugal).
Mais à l’abbaye de Villers-la-Ville aussi, j’ai appris. J’ai appris pourquoi les murs étaient orientés d’est en ouest et du Nord au Sud. La symbolique de la boussole semble universelle. J’ai appris à reconnaitre les époques de construction de cette abbaye marquée moins par les âges que par la main de l’Homme. Le guide nous a aussi raconté l’histoire la plus connue des abbayes belges : ou pourquoi les moines faisaient de la bière et du fromage !
Une abbaye sans bière ni fromage n'est pas une abbaye belge digne de ce nom !
J’ai découvert aussi l’origine de l’expression « messe basse », ou encore que le gothique venait des pays arabes, que les cisterciens aimaient le style épuré (à part pour les colonnes de l’église, peintes en rouge vif), qu’une sirène ornait l’entrée de l’église pour rappeler aux hommes que les femmes sont de viles tentatrices dont il faut se méfier…
D’autres façons de découvrir l’abbaye de Villers-la-Ville
En spectacles
L’abbaye de Villers-la-Ville est le décor de nombreux évènements, depuis des représentations de théâtre à des spectacles de chant jusqu’aux balades guidées et promenades gourmandes. Mais l’évènement le plus célèbre de l’abbaye est sans doute « Les Nuits du Cirque » dont la première édition dans l’abbaye remonte à 2011.
En montgolfière
Survoler les ruines de l’abbaye est une expérience que j’aurais beaucoup aimé vivre (ce sera pour une prochaine fois !). Deux compagnies proposent des vols en montgolfière, pouvant emmener une à sept personnes.
Les vols se font le plus souvent d’avril à octobre avant le coucher du soleil.
En balade
Nous avons profité de notre visite de l’abbaye pour parcourir l’un des sentiers balisés de la région. Une autre façon de découvrir la région, à pied, à vélo ou à cheval.
À pied au Pays de Villers
Le Pays de Villers (regroupant 5 communes du Brabant Wallon, dont Villers-la-Ville) propose cinq promenades pour flâner le long des ruisseaux et découvrir les villages et paysages de la région. Les balades vont de 5,6 km à 14,7 km, et une des balades commence à l’abbaye de Villers-la-Ville : un circuit dans les bois et la campagne de 14 km de difficulté moyenne : « La Thyle et son affluent, le Ry Sainte-Gertrude ».
La promenade que nous avons faite, de 6 km, nous a permis de voir différents paysages de la région et, surtout… de voir la vie en vert et bleu !
À vélo vers les Abbayes
Un parcours de 91,6 km relie les abbayes de Villers-la-Ville, Gembloux, Argenton, La Ramée et Lerinnes tout en passant par des paysages de nature, des tumulus, un vieux château, un beffroi et de nombreuses anciennes fermes pittoresques.
D’autres circuits vélos existent dans la région, de 14 à 33 km, avec des niveaux de difficulté bien détaillés.
Bonnes adresses
Se restaurer : La cave du Moulin
Après la visite de l’abbaye et avant de partir en balade sur les sentiers de la région, nous avons mangé à La Cave du Moulin et nous vous la recommandons chaudement. Le cadre est splendide, avec ses salles sous plafond vouté : j’adore. Nous avons très bien mangé : mention spéciale pour le carpaccio de bœuf.
Villers-la-Ville : entre passé et présent
Revenir à Villers-la-Ville était une évidence. Un pan de mon enfance, moi qui habitais à quelques arrêts de train, et un pan de mon présent, avec la promesse que je me suis faite au retour de notre année sabbatique de découvrir davantage mon pays et mon continent.
Et ce retour aux sources a été… ressourçant. Un moment entre amis, un bain-de-soleil en ce joli mois de mai, une redécouverte de paysages que je pensais connus et qui continuent encore à me surprendre.
L’Abbaye de Villers-la-Ville est une très belle visite à faire pour les amoureux de pierres, les pieds désireux de fouler la terre au détour d’un sentier, et les amateurs de photographie. Amusant de comparer les photos de François d’il y a quelques années à celles qu’il a prises à cette seconde visite. Une marque de plus de ce temps qui file… et des pierres qui demeurent, éternelles.
Collaboration pour la campagne de la Communauté Européenne : « Wonder Is All Around ».
J’y vais samedi 🙂 ça tombe bien! Ce sera la première fois… Pourtant j’habite pas trop loin (Mons) !
Super ! Profites-en bien ?
Comme quoi, on connait souvent mal son propre pays (et je suis allée à Mons pour la première fois il y’a quelques mois ! 😉 )
Je confirme ! 😀 Pour les festivals c’est génial. De la bonne musique dans un beau cadre. Que du bonheur !
Oh on aimerait beaucoup assister à un spectacle là-bas, ça doit être grandiose ! Et survoler le site en montgolfière aussi ^_^
Si vous êtes amateurs de musique classique, au mois d’août il y a un super festival ! :p
Oui, on a vu ça, si on est en Belgique à ce moment là, ce serait super sympa !
J’aime découvrir ça ! Visiter les ruines c’est ce que j’aime le plus. En Europe on est servi oui 🙂
Oui, on a de quoi faire de belles découvertes en Europe ! 😉 <3
Je confirme, les photos sont magnifiques et la lumière est au top 😉
Encore une raison de plus pour venir découvrir la Belgique !
Merci !
Je transmets le compliment pour les photos à François ! ^^
Une belle série d’images et un texte intéressant. Merci pour cet article.
Merci beaucoup Alain 🙂 Un plaisir de se perdre dans ses ruines et la nature environnante pour prendre des photos (surtout avec un ciel pareil !).
Tu es déjà allé à l’abbaye de Villers ?
Les photos donnent vraiment envie de la découvrir! 🙂
Merci Andréa 🙂 Je transmets le compliment à François, photographe du couple : ça lui fait toujours très plaisir ! ^^