Au coeur de tous les mystères de l’île de Pâques : les moaïs ! Véritables emblèmes de l’île, ces géants de pierre intriguent même les voyageurs les plus blasés.
Pourquoi ont-ils été construits ? Que représentent-ils ? Comment ont-ils été fabriqués ?…
Et surtout, grande question : comment les habitants de l’île ont-ils réussi à déplacer ces monolithes de plusieurs tonnes d’un bout à l’autre de l’île ?
Les 3 mystères des moaïs
Outre la possibilité d’une aide de nos amis extraterrestres (défendue entre autres par le Suisse Erich von Däniken), d’autres idées sont nées pour tenter d’expliquer les méthodes de construction et de déplacement des géants de pierre.
Si certains, comme le norvégien Thor Heyerdahl, attribuent la construction des moaïs aux (pré)incas, la majorité s’accorde à reconnaître dans ces monolithes l’oeuvre des Polynésiens.
Mais si les auteurs sont connus, les techniques, quant à elles, restent mystérieuses ! Comment ont-ils été construits ? Comment déplaçaient-ils ces géants de pierre ? Et comment les montaient-ils sur leur plateforme ?
Trois mystères que nous allons tenter d’élucider !
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La construction des moaïs
Construire les moaïs est la première étape. Extraire de la roche des monolithes mesurant en moyenne 4 m de haut et pesant en moyenne 14 tonnes… ce n’est pas une mince affaire ! Le plus grand spécimen de moaï de l’île mesure 10 mètres de haut et pèse 74 tonnes.
Note Le plus grand moaï, si l’on compte ceux qui sont encore en cours de travail dans la carrière, mesure en réalité plus de 21 mètres et pèserait 170 tonnes ! Les théories actuelles avancent que les premiers moaïs avaient une taille humaine, puis ont évolué pour devenir ce que l’on connait de nos jours. Ceux-ci étaient également recouverts de peinture.Une visite au site Rano Raraku permet de visualiser les méthodes des Rapa Nuis à la source : certains moaïs sont encore en cours de taille, à moitié extraits de la montagne. Ces monolithes étaient ainsi taillés directement dans la roche, en commençant par tailler la face avant, sans détacher le dos de la paroi.
Le Norvégien Thor Heyerdhal fit l’expérience, en 1950, de tailler un moaï avec les outils de l’époque (grands pics pour le gros oeuvre et outils fins en basalte et obsidienne) et tira la conclusion qu’il faudrait 12 à 15 mois pour extraire un moaï de taille moyenne.
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Les moaïs : pas que des têtes !
Rares sont ceux qui s’en souviennent, mais les moaïs ne sont pas que des têtes ! En 2011, 90 statues ont été excavées afin d’étudier la face cachée de l’iceberg… pour des révélations surprenantes : plus de la moitié des moaïs se trouve enfouie sous la terre !
Ces monolithes sont munis d’un corps, de bras et de main et certains, représentant un personnage féminin, ont un ventre gonflé et les mains posées autour du nombril. Plus étonnant encore, des inscriptions ont été trouvées au dos des géants de pierre : des glyphes d’une écriture ancienne.
La question qui se pose maintenant est « Pourquoi ces monolithes sont-ils à moitié ensevelis ? ». Le sont-ils depuis l’origine de leur création ? La plupart des chercheurs s’accordent pour dire que ces géants ont été recouverts naturellement, peu à peu pour certains, brutalement pour d’autres, suite à un cataclysme par exemple. La thèse du déluge rejoint celle de la catastrophe naturelle pour expliquer le déclin de la société Rapa Nui. Certains font également le lien (une fois de plus) avec le mythe de l’Atlantide et du continent Mu…
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Les 4 étapes de construction du moaï
La construction des moaïs comporterait 4 étapes :
- Tailler le moaï dans la paroi rocheuse
- Détacher le moaï de la roche
- Faire glisser le moaï le long de la roche, jusque dans un trou creusé en contrebas
- Finir de tailler et graver le dos du moaï
Mais si un pan du voile sur le mystère de la création des moaïs a pu être levé, il nous reste encore le coeur même de l’énigme des moaïs : comment ont-ils été déplacés ?
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Le déplacement des moaïs
Ces géants de pierre ont, en moyenne, été déplacés sur une distance de 5 km depuis la carrière ; certains ayant parcouru jusque 18 km. Les archéologues ont retrouvé les traces des routes empruntées à l’époque : quelque 25 km de pistes sont encore visibles sur les images satellites.
Mais plus que « Quels chemins ont-ils empruntés ? », la vraie question est « Comment ont-ils été déplacés ? ». De nombreuses théories tentent d’expliquer le déplacement et l’érection de ces statues.
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Le traineau
Cette hypothèse du traineau, défendue par Jared Diamond dans sa théorie d’écocide (voir l’article « Les mystères de l’île de Pâques – L’extinction (2/4) » ), a été développée différentes reprises, les deux représentants principaux étant Thor Heyerdahl et Anne Van Tilburg.
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Thor Heyerdahl
La méthode du traineau a ainsi été proposée une première fois par l’archéologue norvégien Thor Heyerdahl dans les années 50. Son idée : mettre le Moaï sur un traineau et le tirer « sur le chemin des Moaïs » à l’aide de cordes.
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Anne Van Tilburg
Fin des années 90, l’archéologue américaine Anne Van Tilburg a défendu une théorie similaire : un traineau en bois attaché par des cordes et positionné sur des rails faits de rondins de bois et maintenus par des traverses. Le moaï était ainsi glissé couché, sur le dos ou sur le ventre.
Cette archéologue réalise une expérience à taille réelle lors de ses recherches : une mise en situation avec une soixantaine de personnes tractant un moaï de 12 tonnes. Son essai démontre qu’il est possible de déplacer un monolithe à sur 14 km 1/2 en moins d’une semaine.
L’avantage de la théorie du traineau est que l’on ne risque pas d’abimer le moaï sur le trajet.
Mais l’inconvénient majeur reste l’usage important du bois, ressource limitée sur l’île.
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Les rondins de bois
Une variante à la théorie du traineau : celle des rondins de bois, proposée par Charles Love fin des années 80. Pour ce géologue nord-américain, les moaïs ont été déplacés debout sur un traineau roulant sur des rondins de bois, tiré par des cordes.
L’on sait aujourd’hui que les Polynésiens utilisaient principalement les rondins pour déplacer de lourdes charges, mais, mis à par cela, aucune preuve ne vient étayer la théorie de Love.
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Les poteaux en V
L’anthropologue nord américain William Mulloy, dans les années 70, avança une théorie originale. Sa méthode repose sur l’usage de deux grands poteaux unis en V, attachés au cou du Moaï et un traîneau incurvé en dôme de Y pour protéger le ventre de la statue qui repose sur le ventre. En bougeant vers l’avant des poteaux et en tirant les cordes, le Moaï pouvait être traîné en profitant du balancement produit par la courbe du support.
Ici également, aucune preuve (ou trop peu) ne vient étayer la théorie.
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Les statues marchent
A côté des théories présentées jusqu’à présent, il reste une grande théorie, inspirée par les légendes locales de l’île de Pâques… Cette théorie a été présentée une première fois par Pavel Pavel et Heyerdahl (en 1986) et a été reprise ensuite par Hunt et Lipo (en 2011).
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Pavel Pavel et Thor Heyerdahl
L’archéologue et navigateur norvégien Thor Heyerdahl, assisté par le chercheur-ingénieur tchèque Pavel Pavel, se base sur une tradition orale selon laquelle les géants de pierre marchaient jusqu’à leur plateforme.
Leur étude atteste de la faisabilité du déplacement vertical grâce à la bonne stabilité des moaïs en position debout, du fait de leur centre de gravité bas. La technique ? Deux équipes d’hommes qui tiraient sur le moaï pour le faire chanceler d’un côté puis de l’autre. Une expérience concluante sur l’île vient renforcer la conviction de ces chercheurs.
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Terry Hunt et Carl Lipo
Les anthropologues américains Terry Hunt et Carl Lipo repartirent également de cette légende orale et montèrent une expérience en 2011. Là où leur théorie diffère de celle de Pavel Pavel et Heyerdahl : le nombre de groupes d’hommes nécessaires.
Là où les premiers chercheurs se basaient sur deux groupes, les nouvelles études envisagent davantage la participation d’un troisième groupe d’hommes, qui vient s’ajouter à l’arrière de la statue, pour veiller à son équilibre et l’empêcher de tomber en avant.
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Les moaïs marcheurs
Lipo et Hunt sont convaincus que les statues n’auraient pas pu être déplacées à l’horizontale car les Rapa Nuis auraient été incapables de les relever. A la sortie de la carrière, les moaïs sont finis debout et ensuite déplacés dans la même position.
Sergio Rapu, archéologue originaire de l’île de Pâques, rejoint la théorie de Lipo et Hunt. Il affirme que les statues étaient construites de telle manière qu’elles pouvaient marcher. Leur ventre proéminent les attirait vers l’avant et leur base convexe en forme de « d » permettait de leur faire rouler sur leur base.
Le moins que l’on puisse dire est que cette technique est visuellement spectaculaire ! Le géant de pierre peut se déplacer ainsi à une vitesse moyenne de 1,35 km/h (face à 0,5 km/h pour la technique du traineau de Van Tilburg).
Avec cette théorie, Lipo et Hunt s’opposent une fois encore à la théorie de l’écocide de Jared Diamond. Les habitants de l’île n’ont pas eu besoin de déboiser l’île pour perpétuer le culte des moaïs ! De plus, avec cette théorie des « moaïs marcheurs », peu de main d’oeuvre était nécessaire : avec une expérience menée en 2010, ces chercheurs ont démontré que 18 personnes et 3 cordes solides étaient suffisantes pour manoeuvrer un moaï de 3 mètres et 5 tonnes sur quelques centaines de mètres. Pour les moaïs de grandes dimensions… la tâche devait être plus difficile, ce qui explique également certains moaïs brisés abandonnés sur la route.
Et puis, argument final en faveur de cette théorie… j’aime beaucoup son surnom : « la théorie du déplacement de frigo » !
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La méthode 2011 mise en situation…
Mais malgré un test en situation et la base culturelle de cette théorie, la véracité de cette hypothèse a été critiquée.
« Ce qu’ils ont fait s’apparente plus à une cascade qu’à une expérience. Ces travaux ont sorti les statues de leurs contextes archéologiques. Je pense que chaque fois que l’on fait ça, même avec précaution, on entre dans le domaine du fantastique et de la spéculation à un niveau qui n’est pas scientifique. » (Jo Anne van Tilburg)
Un des arguments contraires est la dangerosité de cette méthode pour de possibles chutes de moaïs, qui, dans cette position, causeraient la destruction du géant. Est-il envisageable qu’après plusieurs mois de travail de taille de la pierre, les Rapa Nuis risqueraient de détruire leur beau géant en le transportant ?
L’observation des moaïs abandonnés sur les routes de transport répond partiellement à cette question : oui, ils pourraient avoir pris ce risque ! Car les géants brisés gisant le long des routes semblent tombés dans une position validant la thèse du transport à la verticale : la tête en avant dans les pentes descendantes et sur le dos dans les montées.
Autre argument en faveur de cette théorie du déplacement vertical : la majorité des statues sont abimées à leur base, sans doute à cause des frottements lors des déplacements.
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L’édification des moaïs
Transporter le moaï, c’est bien beau, mais il faut encore le relever (sauf dans la théorie du moaï marcheur) et le mettre sur sa plateforme ! Nouveau challenge, nouveau mystère…
L’on retrouve comme grands courants de pensée d’un côté James Mulloy et Thor Heyerdahl, avec la technique des leviers, et de l’autre Jo Anne Van Tilburg, avec la technique des rampes.
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La technique des leviers
Les Pascuans firent une démonstration à Thor Heyerdhal et construisirent une rampe de pierre en pente douce le long d’un ahu. Ils ont ensuite tiré le monolithe, la base en avant ; puis soulevé la tête de quelques centimètres grâce à des leviers de rondin, permettant de glisser des pierres sous l’imposante tête pour la maintenir en position et répéter l’opération, surélevant la tête de degré en degré jusqu’à positionner la statue debout, en position finale.
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La technique des rampes
Pour Jo Anne Tilburg en revanche, une première rampe de transport jusqu’au sommet de la plateforme était créée, puis une seconde rampe de pierre, afin de surélever le moaï posé sur des rondins de bois.
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Les moaïs de l’île de Pâques : au coeur de tous les mystères
Rien n’y fait : malgré l’abondance des théories autour de ces géants de pierres, les célèbres monolithes préservent leur aura mystérieuse. De la construction au déplacement, ces statues ont encore beaucoup à nous apprendre des techniques de la civilisation de l’île de Pâques.
Emblème par excellence de l’île, ces visages muets sont également la clé pour comprendre l’histoire de ce peuple, de ses origines à son déclin…
Au prochain (et dernier) rendez-vous sur les mystères de l’île de Pâques : la théorie du contact inca !
Et vous, quel est votre mystère préféré de l’île de Pâques ? Quelle théorie avez-vous envie de défendre ?
Tu signes une nouvelle fois, un article bien passionnant sur le sujet et bien fourni.
Je pense que cette île continuera à conserver ses mystères encore quelques années…
Merci Virginie ! ça a été un gros travail que de rassembler toutes ces informations pour ce dossier spécial « mystères de l’île de Pâques », mais je ne regrette vraiment pas le temps que j’y ai passé : je trouve ça passionnant.
Je pense qu’il reste bien plus que « quelques années » devant nous avant que les mystères de l’île de Pâques ne soient percés ! Le seront-ils un jour… ?
Très intéressant et informatif !
Je ne savais même pas (ou je ne m’en souvenais pas) qu’ils étaient plus qu’à demi enfouis dans le sol ! Impressionnant !
Merci Bianca pour ton retour !
Oui, on a beau le savoir (les images de ces géants sortis de terre ont fait le tour du web il y a quelques années), on oublie que les moaïs ne sont pas que des têtes ! Très impressionnant de voir les statues en cours de taille dans la falaise et de voir la taille de ces géants…
Eh bien je ne connaissais que la plus farfelue des possibilités, les moaïs marcheurs, et c’est sûrement celle qui fait le plus rêver ! Voir arriver au loin un géant de pierre aurait de quoi faire retomber de nombreuses personnes en enfance, et ma foi le jeu d’équilibre doit en valoir la chandelle 😀
Merci Brice pour ce retour, je vois que je ne suis pas la seule à avoir un coup de coeur pour cette hypothèse qui semble sortie d’un dessin animé… Et pourtant, à bien y réfléchir, je trouve que c’est la plus probable de toutes !
Bravo beau travail documentaire
Merci beaucoup Patrick ! Un gros travail de recherche et de synthèse de l’information; mais tellement passionnant à faire ! Ravie que ces mystères intéressent aussi d’autres passionnés ! 🙂
Superbe description des différents possibilités de ces géants. J’aime bien la théorie des Marcheurs, avec des indices de bonne probabilité. Quelle belle civilisation ! Merci pour votre travail.
Merci beaucoup Pierre, c’est le genre de commentaire qui me fait doublement plaisir : de voir d’autres curieux s’intéresser à ces mystères et d’avoir des retours positifs sur ce dossier spécial sur l’ile de Pâques qui m’a demandé beaucoup de travail 🙂
Il y a quelques erreurs dans ton texte comme les soi-disant 90 Moai déterrés en 2011. Il n’y a eu que deux Moai et cétait en 2010. Mme Van tilburg a fait ses tests avec un faux Moai, car en 1998 les statues et les sites étaient patrimoine mondial de l’unesco, donc interdit de faire des essais avec un vrai moai. Quand elle dit qu’il n’est pas possible de transporter un Moai à la méthode frigo, elle ne fait que défendre son hypothèse. Les derniers à avoir fait un test de transport avec un vrai Moai furent Pavel et Thor Heyerdahl en 1986. Ils l’on fait avec le Moai appelé le voyageur car il fut emmené à Osaka en décembre 1981 pour les 10 ans de la foire internationale. Il est revenu à l’île 1 an après et il a été laissé debout à l’entrée du site de Tongariki. C’est pour cela que thor et pavel l’ont choisi pour le test. Ce Moai de 4m de haut à été déplacé de 6m en 1 heure et demie avec 22 personnes. Le test de terry hunt a été effectué à Hawai avec une réplique de 3m de haut et il a parcouru 100m en 45 minutes avec seulement 18 personnes. A part cela c’est parfait.