Découvrir sa propre ville est un challenge à côté duquel on passe souvent. Il y a pourtant tant de façons différentes de l’aborder.
Après vous avoir proposé un parcours « Bruxelles en BD » et vous avoir fait découvrir 10 choses que même les Bruxellois ignorent sur leur ville, je vous emmène à l’assaut de la capitale selon une tout autre thématique : cap sur « Bruxelles en légendes ».
L’histoire populaire de Bruxelles
Connaître l’histoire de sa ville permet de comprendre son évolution, savoir d’où l’on vient, découvrir ses racines… et faire parfois de belles découvertes. Nous avons eu l’occasion de nous laisser surprendre par une multitudes d’anecdotes que nous ignorions sur notre propre ville. Forts de cette expérience, nous avons eu envie de remettre le couvert, et découvrir la capitale sous un angle différent.
Ainsi, pourquoi ne pas s’immerger dans les rumeurs et les histoires que l’on colporte dans les ruelles de la capitale ?
Légendes urbaines : folklore et rumeurs
Que sont donc ces fameuses légendes urbaines ? Loin des contes de fées et légendes ordinaires, les légendes urbaines se rapprochent de notre réalité et de notre quotidien. Ce sont des récits courts qui racontent les mésaventures d’une personne de son entourage.
Des événements étranges, voire effrayants, sont arrivés au voisin de l’ami de mon oncle : le pauvre ! Quelle malchance, lui qu’il n’est qu’une personne banale, comme toi et moi !
Les petites misères de Monsieur Toutlemonde ! Ces faits sont racontés avec tant d’émotions et de conviction, le conteur étant persuadé de leur authenticité, que l’auditeur aura parfois le plus grand mal à dissocier la légende de la réalité…
Ces légendes urbaines, véritable folklore narratif, sont le reflet des préoccupations de la population, et sont ainsi liées à un contexte géographique, historique et culturel. Elles évoluent à travers les époques et les continents, afin de toucher au maximum le public de la région dans laquelle elles se développent.
Bruxelles en 5 légendes
Des légendes et histoires bruxelloises, il y en a à foison ! Lors du circuit « Bruxelles en légendes urbaines » que nous avons suivi, 11 histoires ont été contées. Certaines m’étaient familières, racontée quand j’étais enfant… et d’autres m’ont bien surprise !
Afin de ne pas vous gâcher toutes les découvertes, je vous réserve ici un petit top 5 légendes (urbaines ou non) qui m’ont le plus marquée.
Commençons en beauté avec deux légendes sur des emblèmes bruxellois : le Manneken Pis et l’Hôtel de Ville de la Grand Place.
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Le Manneken Pis : quand les légendes s’emmêlent
Il a beau être tout petit… il existe pas moins de 8 légendes (célèbres) sur le Mannenken Pis ! En voici deux parmi les plus répandues.
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Premier Mannenken Pis : Godefroy de Brabant
Alors que les Bruxellois sont en conflit ouvert avec les Malinois, Godefroy de Brabant, un petit garçon de 2 ans accompagnant son père, doit faire pipi. Dans cette fâcheuse situation, le petit « ket » décide de sortir seul du camp militaire… pour aller uriner devant le camp des ennemis. Cette bravade de l’enfant regonfla le moral des troupes bruxelloises. Pour immortaliser l’acte héroïque de ce petit garçon, la statue du Mannenken Pis fut érigée.
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Deuxième Mannenken Pis : vive la gueuzette !
Avant que l’alcool ne soit interdit aux mineurs, la tradition bruxelloise voulait que pour un verre de gueuze (bière locale) servi, un petit verre (une « gueuzette ») soit offert à l’enfant qui accompagne son père au bistrot (saine occupation !).
Cette seconde légende autour du Mannenken Pis concerne donc un petit garçon qui accompagna son père dans une taverne. Le père buvant bière sur bière, l’enfant bu également… tout son soûl ! Mais la bière, c’est bien connu, cela donne envie d’uriner ! Le petit garçon sorti donc du débit de boisson et s’aventura seul dans la rue, au milieu de la nuit, décidé à se soulager du haut des remparts de la ville. C’est alors qu’il aperçut, en contrebas, les Espagnols, venus conquérir la ville, mettre le feu à une mèche reliée à des barils de poudre. Afin de sauver les remparts de la ville, notre petit garçon courageux éteignit la mèche en urinant dessus.
Pour immortaliser le sauvetage héroïque de notre capitale, la statue du Mannenken Pis fut érigée.
Comme quoi, on peut sauver une ville à tous les âges… et de toutes les façons possibles et (in)imaginables !
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La fausse histoire de l’Hôtel de Ville de Bruxelles
L’on raconte dans notre belle capitale que l’Hôtel de Ville est marqué par le destin tragique de son architecte.
Celui-ci, distrait, se serait trompé dans ses calculs pour la construction de l’imposant bâtiment. Résultat : la tour n’est pas centrée, un côté du bâtiment étant plus long que l’autre. Devant ce drame et cette honte, l’architecte préféra mettre fin à ses jours en se jetant du haut de la tour de l’Hôtel de Ville.
Si l’on observe plus attentivement le bâtiment, il est évident que celui-ci n’a pas été construit en une seule fois, mais bien en plusieurs étapes. La « faute » n’est donc pas imputable au pauvre architecte !
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Les chaussures suspendues
Sûrement avez-vous déjà vu des chaussures suspendues à des fils électriques… Cet étrange phénomène, me rappelant le village perdu de Spectre dans le film Big Fish, est observable dans certains endroits de la ville, comme du côté du quartier des Halles Saint Géry.
Il existe 5 interprétations pour expliquer ces chaussures abandonnées.
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L’armée, ça me botte !
Cette tradition proviendrait de l’armée américaine dans les années 80. Pour marquer la fin de leur service militaire et leur retour à la vie civile, les soldats lanceraient en l’air leurs bottes militaires pour les suspendre aux câbles électriques. De cette tradition découlerait donc la coutume de lancer ses chaussures pour signifier le passage à une nouvelle étape de sa vie : une sorte de rite de passage.
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Petit commerce herboriste illicite
D’autres légendes racontent que ces chaussures suspendues marquent l’emplacement d’un vendeur de drogue. Un code que connaîtraient tous les amateurs d’herbes illicites à travers le monde !
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Guerre de chaussures et bandes urbaines
Selon cette troisième théorie, les chaussures seraient liées aux gangs et bandes urbaines. Deux interprétations restent possibles :
- les chaussures délimiteraient les territoires des différentes bandes
- elles marqueraient les endroits où sont décédés des membres d’un gang lors d’affrontements
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L’art pour les pieds
L’art conventionnel n’a pas sa place dans les rues de Bruxelles ! Place aux artistes de rue et leur mouvement « shoe fit » : ces chaussures suspendues seraient des œuvres d’art, comme les graffiti pour le Street Art !
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Science et gravité
Notre dernière hypothèse est scientifique : ces chaussures seraient l’œuvre de chercheurs étudiant le lancer capable d’envoyer les chaussures dans un mouvement parfait, afin de les suspendre à un fil. L’exercice semble pour le moins compliqué, souhaitons bonne chance à ces scientifiques des temps modernes dans leurs études pour percer ce mystère urbain !
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Les enlèvements dans les cabines d’essayage
Cette histoire, je l’ai entendue de nombreuses fois dans mon enfance : celle des enlèvements de jeunes filles dans les cabines d’essayage, afin de les vendre comme esclaves sexuelles.
Les kidnappeurs redoublant d’inventivité ont mis au point tout un réseau à travers les cabines d’essayage des magasins. Particulièrement du côté des boutiques de la rue des Fripppiers, dans la galerie Inno de la rue Neuve ou dans les galeries de la Reine, où des trappes sont dissimulées dans les cabines d’essayage.
Cette légende est très populaire, tant dans la capitale que dans le reste du pays, se retrouve également dans d’autres pays d’Europe. D’autres réseaux d’enlèvements existeraient également dans les métros, via les systèmes de canalisation des toilettes…
L’origine de ces histoires sordides ? Une légende autour des magasins de chaussures et de gants.
Les chausseurs et les gantiers dissimulaient une pique imbibée de drogue. Le client, à l’essayage, se piquait, commençait à se sentir mal et était amené à l’arrière-boutique… pour ne jamais en revenir.
Cette légende s’est peu à peu transformée pour s’appliquer au monde de la lingerie. Tout le monde connaît cette histoire selon laquelle des caméras d’espionnage sont installées dans les cabines d’essayage, afin d’assouvir les instincts voyeurs des gardiens.
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Légendes d’universités
Saint-Louis, ULB, UCL… Plusieurs universités peuplent Bruxelles, et chacune a son lot de légendes urbaines, les étudiants en étant apparemment très friands !
Parmi toutes celles que notre guide nous a contées, j’ai particulièrement aimé celle sur les étudiantes de l’ULB : une légende urbaine qui sort de nos frontières.
Ces astucieuses étudiantes ont trouvé un bon moyen pour arrondir leurs fins de mois : ouvrir un comptoir de petites culottes (usagées, bien sûr), afin de les envoyer au Japon pour les célèbres distributeurs de sous-vêtements féminins !
Tout le monde croit aux légendes urbaines !
« Moi je ne crois en aucune légende, je suis quelqu’un de rationnel et d’instruit »… Désolée de vous détromper sur ce point, mais notre guide, Aurore Van de Winkel, a été parfaitement claire :
Tout le monde croit à des légendes urbaines…
Mais nous ne croyons pas tous aux mêmes !
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Raison d’être des légendes urbaines
Les rumeurs et légendes urbaines se retrouvent dans tous les pays du monde et toutes les cultures. Si cette tendance est aussi internationale, c’est parce qu’elle a une raison d’être : elles nous confèrent des conseils pour la vie de tous les jours.
Un peu comme pour les contes de fées, derrière chacune de ces légendes urbaines se cache une leçon de morale ou un conseil très concret sur un domaine de la vie quotidienne : hygiène, alimentation, sécurité…
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Evolution des légendes urbaines
Ce qui est passionnant, avec les légendes urbaines, c’est de suivre le fil de leurs évolutions, dans le temps mais aussi dans l’espace : les légendes urbaines se colportent et se déplacent à travers le monde !
Difficile donc de savoir d’où vient une légende et quelle en est sa forme originelle.
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Dangers des légendes urbaines
Si l’on peut comprendre l’existence des légendes urbaines, il n’en faut pas pour autant les accepter comme des vérités absolues.
Ces récits véhiculent souvent des idées pernicieuses et dangereuses. Comme nous l’avons vu à travers ces quelques histoires, les légendes évoluent avec le temps, les époques, les idéologies et les mœurs… allant parfois à se teinter d’un esprit sectaire, communautaire ou raciste. Car s’en prendre à une communauté (ethnique, politique, religieuse) permet à une légende de paraitre plus contemporaine et plus réelle, plus ancrée. Cela permet par là de faciliter l’identification et d’amplifier les émotions véhiculées, augmentant ainsi son impact sur les gens.
L’identification d’un groupe (religieux, ethnique… ) comme dangereux permet à la communauté véhiculant cette histoire d’augmenter le sentiment d’appartenance par opposition et de susciter un sentiment de solidarité envers sa communauté et de rejet par rapport à l’autre. Ce genre de mode de pensée encourage ainsi la profusion des stéréotypes et préjugés envers une communauté vue comme rivale.
Des notions qui, aujourd’hui encore, sont très actuelles. Avec un peu de recul, l’on peut percevoir comment l’actualité, véhiculée par les médias et reprises par ses proches et collègues à la machine à café, est teintée de représentations subjectives… et de légendes urbaines.
Si les légendes urbaines sont monnaie courante sur notre petite planète et que l’on ne peut les empêcher de circuler et d’évoluer, nous avons tout de même un devoir citoyen : développer notre esprit critique !
Découvrir Bruxelles autrement
Le tour que nous avons eu le plaisir de faire dans Bruxelles autour des légendes urbaines n’est pas unique en son genre. Pour les amateurs, il existe également :
- « Bruxelles, légendes urbaines et littérature » : l’influence réciproque des légendes urbaines sur la littérature
- Mais également deux tours « saisonniers » :
- spécial « anti-Saint Valentin » : la morale de ce tour thématique : l’amour est un sport dangereux !
- spécial Halloween : un tour autour de Bruxelles et des légendes urbaines les plus effrayantes… Les fantômes, sorcières et autres diables ont-ils réellement quitté les rues de notre capitale ? Âmes sensibles s’abstenir !
Et vous, avez-vous déjà visité votre ville d’une manière originale ? Quelles légendes urbaines connaissez-vous ?
- Bruxelles autrement :
- D’autres citytrip en Europe :
- Vidéos : L’accent belge n’existe pas ! et Voyager loin quand on est Belge
Aaaah, Amandine, ton article m’a ramené en enfance où j’avais déjà entendu la plupart de ces légendes urbaines. Quel plaisir de me les remémorer au travers de ton article! Je connaissais particulièrement celle où l’on dit que Manneken pis avait éteint un début d’incendie dans Bruxelles. Par contre, je ne connaissais aucunement celle sur les chaussures suspendues! Très chouette article publié du fin fond de la Patagonie 😀 La mère patrie vous manquerait-elle un peu? En tout cas, ma proposition est toujours d’actualité si vous voulez du chocolat!
Chocolaaaaaaat ! 😀 😉
Merci pour ton message Julie, ça me fait toujours très plaisir.
Moi aussi, quand j’ai suivi ce tour de « Bruxelles en légendes urbaines », plein d’histoires entendues dans mon enfance sont revenues.
Comme tu le vois, depuis la Patagonie, il nous arrive de penser à notre plat pays 😉
Arrivée en Argentine hier, je n’ai pas encore commencé ma quête de bon chocolat… mais cela ne saurait tarder !
J’adore lire les légendes qui entoure l’histoire de Bruxelles. Je trouve ça passionnant!
Les chaussures suspendues il y en a tout plein un peu partout dans toutes les villes belges et j’avoue ne pas savoir d’où cette habitude vient.
Merci Valérie pour ton commentaire, ravie que ces légendes te plaisent !
J’adore moi aussi découvrir le côté « légendaire » d’une région.
Pour le moment, de notre voyage « Back To America » et des pays traversés en Amérique du Sud, niveau « croyances », ce sont deux régions du Chili qui m’ont le plus marqué : Valparaiso et Chiloé.
Mais j’en parlerai dans de prochains articles ! A suivre 😉
Très sympa ces légendes, très intéressant cet article…
Salut Amandine,
j’ai également eu l’occasion de suivre la visite et Aurore est une guide merveilleuse qui peut parler pendant des heures des légendes urbaines, des rumeurs… Elle a d’ailleurs écrit plusieurs bouquins sur le sujet.
Bref je recommande la visite!
Salut Joëlle, cela me fait plaisir de te lire ! 🙂
Je vois que, comme nous, tu as apprécié la visite avec Aurore ! C’est vrai qu’elle fait cela vraiment très bien. Elle garde son public en haleine et connait plein d’histoires et d’anecdotes, sur Bruxelles et les variantes à travers le monde. Une belle manière de voyager tout en visitant sa ville 😉
Alors il faudra tenter le coup si vous prévoyez un jour de venir visiter la capitale ! 😉
Oui, la légende dont tu parles est très connue… à Bruxelles aussi. D’ailleurs, notre guide nous a expliqué que quand, comme ici, les légendes urbaines prennent de l’importance, une enquête se fait à la police. Mais dans ce cas-ci (comme dans le cas d’autres légendes urbaines bien horribles), ils n’ont jamais rien trouvé.
Ahah j’adore ! Je ne connaissais pas du tout ces légendes ! 🙂
Jolie découverte 🙂
Merci pour ton message, ravie que tu aies apprécié la découverte de ces légendes.
Si les légendes t’intéressent, deux autres articles sur le sujet inspiré de notre voyage en Amérique du Sud sortiront prochainement… à suivre ! 😉
Je viens seulement de découvrir vos articles consacrés à Bruxelles et celui-ci m’enchante particulièrement car il complète à merveille nos propres articles sur cette ville que nous avons, bien sûr, aussi découverte via le parcours de BD.
Dès que j’aurai un moment, je l’intègrerai à notre page principale (si vous êtes d’accord bien entendu !)
Bonjour Marie-Paule, merci pour votre message enthousiaste, ravis que notre blog et nos articles sur Bruxelles vous plaisent !
Avec plaisir pour y faire référence sur votre page (sans copier tout le contenu ni les photos, mais en y faisant allusion pour renvoyer vers notre site, avec le lien et le nom du site 🙂 ).
Au plaisir d’échanger à nouveau et belle journée à vous.