Le titre est écrit, ne reste plus qu’à coucher le reste de l’article sur le clavier. Mais quel est-il, mon bilan du pèlerinage de Shikoku avec un bébé ? Tant d’émotions m’habitent encore… Par où commencer ?
Shikoku, des rêves à la réalité : attentes, surprises et plus encore
Ce pèlerinage, nous en rêvions depuis des années, sans savoir exactement quand nous partirons ni pourquoi ce rêve flottait dans notre imaginaire de couple. Puis mon ventre s’est arrondi et nous nous sommes dit : c’est maintenant ou dans très longtemps ! Or la patience et François… cela ne fait pas bon ménage ! Nous voici donc avec des billets d’avion pour le Japon et ce sourire aux lèvres que seule une douce folie peut venir susciter.
Marcher. 1200 km. Avec un bébé.
Voilà qui inaugure une vie au plein air pour notre P’tit Sushi (surnom de Manoa avant sa naissance) avant même qu’il ait pointé le bout de sa tête. Du pourquoi et du comment de ce rêve, j’en ai parlé plus en détail dans l’article publié juste avant notre départ. J’y présentais mes doutes et questionnements, mes inquiétudes aussi. Et dans un autre article, j’ai déjà partagé nos émotions et coups de cœur suite à cette belle expérience.
Récapitulons donc… et voyons ce que ça a donné dans la réalité !
Mes craintes avant le départ versus la réalité
Dans mon précédent article, j’énumérais 5 craintes. Reprenons-les dans l’ordre et voyons voir…
Marcher avec ma condition physique de jeune maman
Réalité ?
Mais comme je me suis étonnée moi-même !
Mon problème de genoux mis à part (j’y reviendrai), je me suis trouvé une source d’énergie que je ne soupçonnais pas ! Malgré les petites nuits (j’y reviendrais aussi !), le poids du bébé, les difficultés de trouver ses repères les premiers jours… Bref, malgré les difficultés classiques de tout pèlerin, celle d’une nouvelle maman classique et celles liées au portage d’un gros bébé, j’ai vraiment pris du plaisir à marcher. Certains jours, je me sentais euphorique. Je n’ai pas d’autres mots. Euphorique. Je me sentais si légère. Mes pieds semblaient à peine toucher le bitume et survoler les racines qui s’entremêlaient sur les sentiers de forêt.
Nous avancions de concert, François et moi, dans une douce harmonie, une mécanique rapidement bien huilée. Lorsque Manoa dormait, nous avions une moyenne de plus de 6 km/h. Lorsqu’il s’éveillait, notre vitesse maximum était de 4 km/h… Ce qui m’amène au point suivant.
Porter un beau bébé potelé
Mon sac à dos vivant, version Tamagochi, a été plus qu’adorable. Déjà, il a dormi. Cela peut sembler normal pour vous. Mais pour moi, dire que mon bébé a dormi, c’est un peu comme dire qu’il a récité l’alphabet à l’envers et en russe. Mon bébé a dormi ! À la maison, les siestes ne faisaient pas partie de ses habitudes. Lors de nos marches d’entrainement, nous avions bien vu que le grand air et le mouvement de nos pas l’aidaient à passer de nos bras à ceux de Morphée. Et cette tendance s’est plus que confirmée sur les routes de Shikoku.
Il avait l’habitude de dormir dès que nous quittions notre logement au matin, pour une durée d’une heure à une heure et demie. Parfois il piquait encore du nez en fin de matinée pour une petite vingtaine de minutes. Et début d’après-midi il dormait à nouveau au moins une heure. Quel plaisir de le sentir s’abandonner contre ma poitrine, en pleine confiance, ne sursautant même pas aux bruits des camions qui nous doublaient sur les routes de bitume !
Et lorsqu’il était éveillé, il tétait parfois en restant assis dans le porte-bébé. S’il était éveillé lorsque nous arrivions à un temple, je le sortais du porte-bébé pour qu’il puisse participer et vivre ces moments le plus activement possible. Nous en profitions également pour le changer… ce qui se révélait parfois « sportif ». Notre bébé est passé par ce qu’on appelle le « pic du sixième mois », qui s’accompagne d’un besoin intense de téter… souvent accompagné de langes bien remplis. Sans rentrer dans les détails, nous avons enchainé plusieurs débordements catastrophiques ! Ce qui, avec une logistique tout aussi limitée que la garde-robe de bébé, a de quoi donner des sueurs froides !
Marcher avec une faiblesse aux genoux
Voilà une peur qui est devenue rapidement réalité. Je pensais qu’en pratiquant les exercices de kiné que j’avais appris au début de ma grossesse, cela suffirait. Je pensais qu’en m’entrainant avant de partir, cela suffirait. Je pensais qu’en me ménageant dans les escaliers, cela suffirait… Malgré toutes ces précautions, les douleurs se sont installées et n’ont jamais cessé de grandir.
Les jours où nous marchions plus de vingt kilomètres, je terminais souvent en pleur, ne sachant plus comment faire pour supporter mon propre poids, et encore moins celui du bébé. Avec François, nous avions remarqué une sorte de malédiction. Celle des 700 derniers mètres. Il m’est arrivé plusieurs fois de devoir demander à François, pour ces derniers mètres avant la fin de la journée, de prendre Manoa à bras, en plus de son sac à dos. Je marchais alors avec un bâton dans chaque main, boitant comme pas possible, tentant de décharger mes jambes d’un maximum de poids. Plusieurs fois, j’ai voulu terminer en stop. Ce que j’ai fait une fois, grâce à un gentil monsieur qui m’a ramenée à notre logement, moins de deux kilomètres plus loin.
À deux reprises, j’ai déclaré forfait avant même de commencer. Certains temples sont réputés difficiles d’accès, leur chemin surnommé même « destructeur de pèlerin ». Une destruction aussi bien physique, par l’effort à fournir et la difficulté des escaliers escarpés et parfois glissants par temps de pluie, que psychologique.
Avec un bébé, j’ai décidé de me dispenser de ces passages. Avec regret. François m’a d’ailleurs avoué que le chemin vers le temple 12 était l’une des plus belles marches de sa vie.
Finalement, nous avons dû être rapatriés, je n’étais plus capable de marcher correctement. Et, même si sur le moment cela a été très dur, nous avons bien fait. Cela m’a permis de découvrir que mon problème de genoux venait de la façon dont je posais mes pieds. Des semelles orthopédiques et quelques semaines d’adaptation plus tard, on n’en parle plus ! J’ai dû aussi faire des séances de kinésithérapie pour soulager les douleurs sciatiques et lombaires qui me faisaient grincer des dents. Mais grâce à cela, j’étais toute « réparée » au moment du départ pour notre projet suivant : traverser les Amériques !
Avoir faim
J’avais peur d’avoir faim. Cela peut sembler risible. Mais l’allaitement a fait de moi un estomac sans fin, un monstre capable d’engloutir sans s’en rendre compte l’entièreté de son placard ou presque…
Dans les faits, ma crainte était fondée ! Si les konbini (« convenient store ») étaient mes amis, ils n’étaient pas toujours au rendez-vous. Et François portant un sac déjà bien plus lourd que prévu, je ne pouvais raisonnablement pas lui demander de stocker des réserves pour une ou deux journées de marches… Même si, avec l’expérience, il prit l’habitude de regarder sur les cartes si nous croiserions la route de petits magasins, histoire de prendre un stock de biscuits, bananes, fruits secs et autre grignotage pour la route. La vue de ce sac plein de nourriture qui ballotait derrière son sac au rythme de ses pas me donnait envie de le prendre dans les bras pour le remercier… Bon, d’accord, aussi pour piquer un biscuit au passage !
Dormir comme un bébé
Que cellui qui a inventé cette expression se démasque et avoue qu’iel n’a pas d’enfant ! Comme je le disais dans le premier article concernant Shikoku, Manoa fait « ses nuits » à lui. Chacun son rythme… Mais les nombreux réveils nocturnes m’inquiétaient. Ce pèlerinage est réputé comme suffisamment fatigant que pour envoyer les pèlerins se coucher de bonne heure pour une grande nuit réparatrice afin de recharger les batteries pour le lendemain. Les longues nuits réparatrices, depuis que je suis maman, je ne les connais plus ! Manoa est resté fidèle à lui-même, et une fois adapté au nouveau fuseau horaire, il se réveillait entre 5 et 6 heures du matin… ce qui n’est pas si mal quand on a une vie de pèlerin !
Je ne vais pas mentir, ça piquait pas mal les yeux ! Avant le voyage, je profitais des siestes et de certaines tétées pour le reposer un peu. Même si je ne dormais pas, j’étais assise et je pouvais souffler. Pendant le pèlerinage, pas moyen ! Cela a été vraiment difficile, surtout au début du voyage quand le décalage horaire et le contrecoup de la fatigue avant le départ pesaient particulièrement fort sur nos épaules. Avec le temps, les nuits se sont peu à peu améliorées, pour notre plus grand bonheur !
Un bébé au Japon
Les grandes questions
Les questions que j’ai le plus reçues via mon compte Instagram @Manoas_discoveries concernent la nourriture et le sommeil. Je comprends tout à fait, ce sont les deux besoins primaires du bébé auxquels on pense généralement en premier. Mais c’était deux points qui ne m’inquiétaient pas. Je sais que Manoa dort très bien dans le porte-bébé. Et pour ce qui est de l’alimentation, je l’allaite toujours et nous pratiquons la DME (diversification menée par l’enfant). Bref, facile !
Je m’inquiétais davantage pour les couches et le change (points qui n’ont pas toujours été évidents) et respecter les besoins de bouger de notre bébé. Sur ce dernier point, par contre, nous avons eu de bonnes surprises. Le portage a dû lui faire du bien : Manoa a fait d’énormes progrès sur le plan moteur. Avant ses sept mois, sur l’espace de quelques jours, Manoa s’est assis seul, a marché à quatre pattes, s’est mis debout avec appuis et a monté une marche. Nous nous demandions en riant ce que pourrait bien être l’étape suivante !
J’ai en préparation un article sur le voyage avec bébé. Si vous avez des questions, que vous souhaitez le voir développer un point plus précis, n’hésitez pas à me le dire dans les commentaires.
Les beaux moments
Manoa adorait sonner le gong, voir la fumée de l’encens s’envoler, contempler les couleurs des drapeaux bouddhistes, m’aider au rituel de purification à la fontaine d’eau à l’entrée des temples, contempler les arbres, surtout s’ils étaient en fleur… et surtout sourire à tou·te·s celleux qui le regardaient avec sur le visage l’étonnement heureux ancré dans leurs yeux.
Comme j’ai adoré voir mon bébé grandir et s’émerveiller tout au long de ce voyage. Tout comme j’ai adoré voir les Japonais·es s’émerveiller devant cette petite tête blonde qui dépassait de mon porte-bébé !
Bilan d’un (bout de) pèlerinage
Ce pèlerinage aura été un voyage à part dans notre expérience de voyageur·euses. Nous ne l’aurons pas mené jusqu’au bout, pas cette fois-ci du moins. Un jour… Nous reprendrons ce rêve, soit depuis le début du parcours, soit en partant de là où nous nous sommes arrêté·es, le temple 36. Soit quand Manoa sera suffisamment grand pour marcher avec nous. Soit quand il sera en âge d’être gardé pendant une longue période. Soit nous le ferons d’une traite, soit nous le ferons par petits bouts… Nous verrons bien. Mais une chose est sure, nous y retournerons !
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